Déicide | By : Andarta Category: French > Anime Views: 1075 -:- Recommendations : 0 -:- Currently Reading : 0 |
Disclaimer: I do not own the anime/manga that this fanfiction is written for, nor any of the characters from it. I do not make any money from the writing of this story. Only the OC are mine. |
Genre : Euh ? Espionnage, Angst, Yaoi, du tout et n’importe quoi…
Couple : A venir… lentement mais sûrement…
Notes : Nyannette toujours en bêta ! ! Paraît qu’elle aime bien me corriger… Nan ! ! Pas taper ! ! ! éwè
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Remarque
Je remercie du fond du cœur toutes celles et ceux qui m’ont laissé des commentaires aussi positifs, tout comme les lecteurs qui continuent à me lire, malgré le délai (parfois long) de publication entre chaque chapitre. Votre fidélité, votre patience et votre soutien m’ont profondément touchée et me permettent de continuer. Encore merci à vous tous ! ^^
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DEICIDE
Chapitre 5
– Grèce, Sanctuaire d’Athéna, Palais du Grand Pope –
Le silence qui tomba sur la salle du trône après l’exclamation de la jeune fille fut impressionnant. La tension était palpable et aucun des trois protagonistes ne bougea durant un long moment. Les deux divinités fixaient avec une expression très contrastée le pauvre mortel qui venait d’entrer aussi étourdiment. Poséidon n’était que sauvagerie, hargne et rage meurtrière, et le fixait en prédateur prêt à bondir sur sa proie. Athéna arborait tous les signes d’une profonde angoisse, d’une sincère inquiétude et d’une sérénité troublée. Même si elle ne voulait pas se l’avouer, elle redoutait l’impulsivité de son homologue marin. Le nouveau venu, quant à lui, était encore trop interloqué pour seulement se reprendre face à cette situation inattendue.
Ce fut le grincement strident du métal contre le dallage en marbre qui sembla les réveiller. Athéna sursauta et s’aperçut que c’était bel et bien Niké qui était en train de crisser sur le sol, suivant la crispation involontaire de son bras tremblant nerveusement. Poséidon, après l’avoir regardée quelques secondes, tourna enfin complètement le dos à la déesse avec nonchalance, affichant un sourire carnassier et, inclinant la tête de côté, il fit un geste impératif de la main à Kanon, pétrifié :
– Allez, approche-toi, Kanon, nous étions justement en train de parler de toi…
L’ex-Dragon des Mers sentit un frisson glacial lui dévaler la colonne vertébrale. Il n’avait jamais aimé se retrouver en présence de la divinité marine, mais là, face à cet air de tigre plaqué sur ses traits, il sentait franchement l’inquiétude le gagner. Il pensait déjà regretter les piques d’Alexandra et ses coups tordus ! ! D’ailleurs, que lui avait-elle dit avant qu’il ne reparte pour le Sanctuaire ? Prenez garde à ne faire votre rapport que le lendemain de votre retour. Mais quel idiot il était ! ! ! Pourquoi n’en avait-il pas tenu compte ? ? Il s’était précipité tête baissée sans même réfléchir, oubliant l’avertissement de la prophétesse ! ! Il en aurait pleuré de rage… Pourquoi fallait-il qu’il soit toujours aussi tête en l’air ? Il se trouvait lui-même irrécupérable, du coup.
Et désormais, il sentait nettement qu’il était pris entre deux feux pour des raisons qu’il pensait deviner. Poséidon voulait certainement se venger et Athéna essayait de le raisonner… Ce qui semblait ne pas trop fonctionner au vu du comportement du dieu et du regard empli de détresse de sa déesse. Il eut une soudaine envie de fuir, mais ses pieds refusèrent d’obéir, comme s’il avait bel et bien pris racine dans le marbre…
Alors, Kanon regarda son unique rempart, Athéna, paraissant si perdue, si fragile, à côté de ce monstre de charisme, qui donnait l’impression d’envahir toute la salle par sa simple présence. Il ne put s’empêcher de comparer cette sensation à celle qu’il avait ressentie avec Apollon et le constat était peu encourageant pour lui : autant le dieu de Délos s’était imposé avec une force tranquille et posée, autant le dieu marin brillait par sa férocité et son irascibilité… Deux Olympiens si différents… Et c’était bel et bien le plus violent des deux qu’il avait en ce moment en face de lui, le regardant comme s’il allait l’écharper dans la seconde. Poséidon était devenu sa Némésis, il ne devait pas en douter… Un nouveau frisson le parcourut alors qu’une sueur froide commençait à perler discrètement sur sa peau claire. Qu’Athéna semblait faible ! ! Et la malheureuse jeune femme lui fit doucement signe de venir près d’eux, sa pâleur trahissant la façon dont elle vivait cette rencontre éprouvante.
Le Gémeaux remonta dès lors le tapis pourpre pour ne s’arrêter que face aux deux divinités devant lesquelles il s’agenouilla respectueusement. Il attendit l’autorisation de se redresser qui vint d’Athéna. Poséidon, lui, le toisait comme s’il n’était qu’une vermine de la pire espèce. Maintenant qu’il se trouvait là, Kanon ne savait plus trop quoi dire, ni quoi faire. Il était partagé entre la raison de sa venue, le bon sens, qui lui soufflait de se taire, et son instinct de survie, qui lui dictait de déguerpir au plus vite. Pouvait-il évoquer sa mission ainsi devant une autre divinité ? Certainement pas ! Il savait qu’il était dangereux de dévoiler ses secrets, l’expérience Ikki lui ayant servi de leçon. Pouvait-il garder impunément le silence ? Ce n’était guère mieux… On allait sûrement lui demander une explication à sa brutale intrusion dans la salle du trône, sans même avoir été annoncé au préalable, qui plus est… Et la fuite était impossible…
Il était pris au piège…
… et déjà sur l’échafaud…
Puisqu’il fallait bien dire quelque chose, autant commencer par une belle platitude.
– Vos Altesses… murmura-t-il du bout des lèvres avec toute la déférence dont il était capable.
– Regardez-moi ça… lança avec cynisme le dieu marin, en secouant la tête lentement. Arrête de jouer la comédie, Kanon ! Cette onctuosité ne te convient absolument pas ! Je t’ai connu bien plus venimeux et rebelle que ça !
La déesse fronça les sourcils et comprit qu’elle avait tout intérêt à ne rien laisser passer dès cet instant si elle ne voulait pas définitivement perdre la bataille. Aussi s’exclama-t-elle avec indignation :
– Poséidon ! Cela suffit, maintenant ! Tu t’égares !
La volte face du dieu marin fut immédiate. Il fusilla du regard sa nièce et rétorqua vivement, l’irritation perçant nettement dans sa voix :
– Que tu crois ! Maintenant, Athéna, il va te falloir choisir !
– Et tu connais déjà ma réponse : NON ! fit la jeune divinité, sans ciller devant le regard lourd et menaçant de son interlocuteur.
Kanon vit nettement les muscles de la mâchoire de Poséidon se crisper alors que son corps entier se tendait, sur le coup d’une colère croissante. Pourtant il sembla se contenir et cela inquiéta davantage le Saint. Le dieu plissa les paupières, puis tourna à peine son visage, observant du coin de l’œil la réaction de son ex-Général tandis qu’un mauvais sourire se dessinait sur ses lèvres et qu’il susurrait mielleusement :
– Et si on demandait l’avis du principal intéressé, puisqu’il s’agit bien de lui ?
Athéna leva brusquement le menton et frappa le sol avec Niké afin de ramener l’attention de son oncle sur elle. Cependant, ce fut avec stoïcisme qu’elle répliqua :
– Laisse mon Chevalier en dehors de cette discussion. Notre différend ne le concerne pas.
L’expression plus dure que jamais, Poséidon la fixa de nouveau du regard, son sourire s’élargit légèrement et il pointa son trident vers Kanon, qui sentit sa nervosité grimper en flèche. Il détestait être braqué par cette chose dangereuse… surtout depuis qu’il l’avait personnellement testée une fois déjà… Et la tonalité sournoise adoptée par son propriétaire ne lui disait rien qui vaille, oh que non !
– Mais bien sûr que si, cela le concerne ! Et n’oublie pas qu’il est AUSSI mon Général.
Ce fut au tour d’Athéna de se montrer cauteleuse :
– Mais il n’est plus à ton service, mon oncle… Il t’a rendu son Ecaille.
Poséidon balaya l’argument d’un mouvement souple du poignet et d’un rire moqueur :
– Détail que cela, ma chère… Ce n’est ni lui, ni toi qui décide si un homme est ou n’est plus à mon service. Et je n’ai pas révoqué Kanon, il me semble.
Le grand sourire ironique qui ponctua cette dernière remarque mit en alerte Athéna, qui déclara d’un ton ferme, nullement impressionnée par les ruses verbales de son oncle :
– Je vois parfaitement où tu veux en venir, Poséidon et je ne te laisserai pas faire. Je t’ai tendu la main, ne la rejette pas.
Un pas en avant, félin, un regard insoutenable, le corps faussement détendu prêt pour l’offensive, un trident oscillant trop facilement entre des doigts trompeusement joueurs et nonchalants et un ton aussi tranchant que le coutelas :
– Je t’ai fait part de ce que je voulais, Athéna. Je ne reviendrai pas là-dessus.
– Euh… Majestés… Je ne comprends pas de quoi il s’agit… Qu’ai-je à voir dans tout cela ? intervint d’une voix peu sûre un Dragon des Mers complètement largué dans ce divin jeu de domination.
Sans quitter du regard son oncle, Athéna répondit posément :
– Rien, Kanon, rassure-toi.
– Tout, au contraire, justement ! rétorqua Poséidon méchamment en soutenant le regard de sa nièce.
Le Saint se sentit mal à l’aise. Il était évident que les deux divinités se déchiraient à son propos et les bribes qu’il avait comprises lui faisaient froid dans le dos. Si Poséidon était venu jusqu’ici pour le ramener, il n’allait certainement pas repartir les mains vides… Il savait que le dieu marin serait prêt à assiéger le Sanctuaire d’Athéna, s’il le fallait, pour obtenir ce qu’il souhaitait. Et Poséidon, en plus d’être têtu, n’était pas réputé pour sa patience, loin s’en faut ! ! Mais que voulait-il donc lui faire ? S’il avait projeté le tuer, il l’aurait fait depuis longtemps, sans se préoccuper davantage d’Athéna, non ?
En parlant de la déesse de la sagesse et de la guerre, ce fut d’une voix cinglante qu’elle répondit à son interlocuteur :
– Poséidon… Laisse-le en dehors de ça ! Ce litige ne concerne que nous deux !
Elle adressa ensuite la parole plus doucement au Chevalier :
– Kanon, retourne à ton temple.
La réplique de Poséidon ne tarda pas. Dans un écho lourd et menaçant, sa voix se répercuta dans la salle du trône, comme si le tonnerre avait éclaté au-dessus de leur tête, et un sourd grondement montait du sol alors qu’il épinglait de son regard assombri son ancien Général :
– Reste ici, Kanon ! Tu ne quitteras pas cette salle tant que je ne t’y autoriserai pas !
D’un geste si rapide que le Gémeaux ne put l’éviter, ni Athéna l’anticiper, il pointa de nouveau vers lui son trident illuminé d’une aura bleuâtre et le toucha de plein fouet. Kanon tenta instinctivement de se ramasser sur lui-même sous l’impact violent… sans résultat… La douleur lui vrilla les nerfs sans qu’il ne puisse rien faire pour y échapper. Poséidon le tenait entièrement à sa merci. Il ne pouvait plus que gémir :
– Aaaaaarrrrgggh… Mais pourquoi suis-je paralysé ? Seigneur Poséidon, relâchez-moi…
La déesse serra si fort la hampe de Niké que ses jointures blanchirent et elle s’écria, perdant son calme en voyant le regard empli de souffrance que lui jeta le Chevalier, regard si semblable à celui qu’il avait eu en recevant la Scarlet Needle de Milo :
– Tu n’as pas le droit d’aller contre ma volonté dans mon propre Sanctuaire, Poséidon ! ! Relâche-le immédiatement !
Satisfait de lui-même, Poséidon fit de nouveau face à Athéna, tout sucre, faussement conciliant, alors qu’il augmentait progressivement le tourment qu’il faisait endurer à Kanon. Si Pallas tenait tant que cela à son Saint, elle allait devoir capituler. Elle ne pourrait supporter de le voir souffrir sans rien faire. Elle était tellement contaminée par l’humanité… Cette faiblesse qui allait la perdre en ce jour ! !
– Mais bien sûr, ma chère nièce. Dès que tu auras accédé à ma requête.
Athéna descendit les quelques marches qui menaient à son trône et s’arma de toute son autorité pour tenter de se sortir de cette impasse :
– Il en est hors de question ! Tu le sais parfaitement ! Jamais je ne laisserai Kanon entre tes mains ! Même si c’est le pacte qui est en jeu !
Le Gémeaux écarquilla les yeux en comprenant enfin quel était l’enjeu de cette discussion tendue entre les deux divinités. Athéna avait tenté de conclure un accord avec Poséidon, mais celui-ci le voulait en échange ! Il sentit une vague de panique le submerger. Il n’avait rien à voir là-dedans, lui ! ! Pourquoi Poséidon s’acharnait-il autant à le récupérer ? C’était insensé ! Le dieu marin utilisait toutes les ruses dont il était capable pour faire céder Athéna, mettant en balance l’équilibre précaire instauré entre eux et l’issue du prochain conflit… Conflit pressenti aussi bien par la Pythie que par la déesse à la chouette ! ! Quelque chose devait forcément lui échapper, ce n’était guère possible autrement !
– Quoi ? ? Que se passe-t-il à la fin ?
Poséidon roula des yeux, comme blasé par la lenteur d’esprit de son ancien Général. Il s’approcha de lui en une démarche souple et effleura du doigt le col de sa chemise :
– Voyons, Général, réfléchis un peu…
Mais à quoi son oncle jouait-il donc ? Athéna ne comprenait pas, même si elle se doutait que cette attitude déconcertante n’était qu’un nouvel écran de fumée dressé pour la duper. Elle gronda d’un ton menaçant, prête à intervenir à tout moment, cette fois :
– Poséidon…
Ce dernier ne sembla même pas l’avoir entendue. Il tournait lentement autour de Kanon, comme un prédateur qui choisissait par quel bout entamer sa proie fraîchement capturée. Il finit par s’arrêter derrière lui, l’enlaça par le cou et montra du trident Athéna, plaçant sa tête près de celle du Dragon des Mers pour lui murmurer suavement à l’oreille :
– Regarde cette déesse, Kanon… Regarde-la bien… Tu as devant toi la déesse de la guerre et de la sagesse… Tout lui a réussi jusque-là… Mais tu vois, aujourd’hui, en cette minute très précisément, voilà qu’elle se trouve devant une situation impossible… A cause de toi…
Cette fois, Athéna tonna, les yeux étincelants de colère. Sa patience avait aussi ses limites, qu’on se le dise ! Poséidon commençait sérieusement à l’énerver.
– Suffit ! Tu vas trop loin !
Mais aucun des deux représentants de la gent masculine ne prêta attention à sa protestation véhémente. Poséidon souriait doucement, effleurant du doigt la chevelure turquoise de sa proie, appréciant l’effet que ses paroles produisaient sur elle. Si prévisible, le Dragon des Mers… Kanon, quant à lui, était resté interdit par ce que venait de lui révéler le dieu marin et même l’augmentation de la douleur ne parvint pas à le tirer de son état de stupeur. Non… C’était impossible… Il ne voulait pas être la cause de la déconfiture de sa déesse… Il ne comprenait pas pourquoi ils en étaient arrivés à une telle situation…
– Co… comment ? ? Mais… Pourquoi ? ? finit-il par balbutier d’une voix éteinte.
Très obligeamment, Poséidon se mit au devoir de lui expliquer le problème, tout en humant son cou et se léchant les lèvres d’anticipation. Ses doigts jouaient avec la peau si sensible de la nuque de Kanon, faisant frissonner ce dernier à son plus grand plaisir. Encore un peu et Athéna aurait pu jurer qu’il allait se mettre à ronronner d’aise ! ! Et pourtant, les paroles du dieu, elles, étaient d’une gravité mortelle :
– Elle va devoir choisir entre l’accord qu’elle veut conclure avec moi et ta misérable vie… Que crois-tu qu’elle va choisir ? Ton existence où le mensonge côtoie une ambition démesurée, ou celle de millions d’innocents humains inconnus ? ? Dis-moi, Kanon, que doit-elle choisir ?
Le frère jumeau de Saga sentit un poids énorme lui tomber sur les épaules. Son sang sembla se figer dans ses veines et il retint momentanément sa respiration. Il lui fallut faire un immense effort de volonté et de maîtrise de soi pour ne pas céder à la culpabilité et à l’autoflagellation. Il ferma les yeux un bref instant avant de se reprendre et d’affirmer en toute sincérité, son regard franc posé sur Athéna :
– Ma vie appartient à ma déesse… Je ferai ce qu’elle me demandera…
Comme à chaque fois que l’un de ses Saints remettait sa vie entre ses mains avec une confiance aveugle, Athéna se sentit émue et son expression s’adoucit aussitôt alors qu’elle lui sourit tendrement, encore plus profondément touchée de ces quelques mots parce qu’ils venaient de cet homme en particulier…
– Kanon…
Le dieu marin eut une grimace écœurée et s’écarta brutalement de sa prise, de peur d’être contaminé par cette humanité dégoulinante. Son regard dur et impitoyable se ficha longuement dans celui de Kanon. Il finit par secouer la tête et parla avec une rancœur à peine déguisée :
– Comme c’est remarquable de ta part ! ! Dommage que tu n’aies pas eu le même genre d’égards envers moi, Général du Dragon des Mers, surtout lorsque tu m’as trahi…
Il augmenta encore l’intensité de la torture qu’il lui faisait subir, au point de provoquer un nouveau gémissement plaintif de sa victime. Et il n’en avait cure… Il voulait le broyer peu à peu, le réduire en charpie, pour venger l’affront que ce pauvre mortel lui avait encore fait subir devant Athéna en reniant une fois de plus son allégeance envers lui.
Ce spectacle était devenu intolérable pour la jeune déité à l’égide (1) et elle tendit Niké vers le Saint, son propre cosmos se confrontant avec l’ire de son oncle afin de soustraire le Chevalier au supplice. Jamais elle n’aurait cru que Poséidon serait allé jusqu’à ce point dans la provocation et, le tout, au cœur de son propre Domaine… Il fallait croire que ses séjours répétés dans une urne lui avaient quelque peu aigri le caractère… Outrée par ce comportement qui lui portait indirectement atteinte, elle le tança brutalement :
– Poséidon… Tu n’es qu’un véritable monstre ! Et tu veux que je te livre Kanon ? Surtout après ce que je viens d’entendre ?
Soulagé de l’étau douloureux imposé par l’Ebranleur du sol ainsi que délivré de sa paralysie, Kanon se permit de reprendre son souffle et, dès qu’un embryon de réflexion logique refit surface, il appréhenda vraiment une partie des tenants et aboutissants de la situation. Poséidon était en train de faire du chantage à Athéna en l’utilisant comme otage, ni plus, ni moins… Il fallait qu’il désarme le dieu marin. Il déclara alors posément :
– Déesse, si la vie de millions de gens sont en jeu, je suis prêt à me sacrifier.
– Que c’est touchant ! Vraiment ! Depuis quand es-tu altruiste, Kanon ? railla aussitôt Poséidon en lui coulant un regard sournois.
Le jeune homme tint bon sur ses positions et reprit la parole, défiant ouvertement son adversaire, les poings serrés et l’œil fier :
– Sa Majesté Athéna défend toute l’humanité, sans la juger… Elle m’a accepté, malgré mes fautes, elle m’a pardonné et pour cela, je lui donnerai ma vie sans hésiter. Je l’ai déjà fait et je le ferai encore.
Athéna sentit son cœur se serrer devant cette profession de foi renouvelée. Oui, Kanon était digne de sa confiance et il était de son devoir, en tant que déesse, de le protéger face à cette autre divinité qui pensait la faire plier de cette manière. Une fois de plus, elle prit un ton rassurant :
– Kanon, tu es l’un de mes Saints… Jamais je ne permettrai un tel chantage !
Poséidon afficha une expression de pur dégoût, décidément peu enclin à se laisser attendrir par ces atermoiements larmoyants et ces pitoyables déclarations romantiques. Il était plus que temps de ramener ces deux têtes en l’air à la situation présente, ce qu’il fit avec son tact légendaire :
– Et pourtant c’est bien ce qu’il se passe en ce moment même, ma douce nièce… Si Kanon veut se sacrifier, laissons-le faire, voyons ! Il doit se faire pardonner pour sa traîtrise à mon égard. Il en est parfaitement conscient.
Athéna avait récupéré toute sa maîtrise d’elle-même, rassérénée par sa mission à accomplir, et elle affronta Poséidon avec toute la dignité et l’autorité qu’elle avait héritées de Zeus :
– Oh, mais bien sûr… Ce n’est là que pure vengeance, n’est-ce pas ? La vengeance puérile d’un pauvre dieu trop imbu de lui-même et ayant été incapable de s’apercevoir qu’un simple humain le manipulait ! Vraiment, quel grand dieu il s’agit là !
Poséidon fronça les sourcils alors qu’un sifflement s’échappait de ses lèvres pincées. Il avait pâli et il serrait violemment son trident, sa colère se muant lentement mais sûrement en rage. Personne n’avait jamais osé lui parler ainsi et se moquer impunément de lui. Cette petite pimbêche allait le regretter ! Elle avait besoin d’être remise à sa place et comme il ne pouvait se permettre de lui flanquer une fessée, il se devait de l’avertir des conséquences si elle persistait dans cette voie-là. Il était son oncle, tout de même ! !
– Je ne te permets pas ! Prends garde à ce que tu dis ou sinon, fille préférée ou non de mon frère, tu auras affaire à mon courroux !
Athéna se garda de sourire face à cette réaction prévisible : le dieu marin était si chatouilleux sur tout ce qui le concernait personnellement, que le blesser dans son ego était chose aisée. Mais la critique avait forcément pour conséquence l’irascibilité de Poséidon. Cela arrangeait la déesse de la sagesse : aveuglé par sa rage, son oncle serait moins sur ses gardes et finirait par perdre leur duel. Le visage de la jeune femme resta neutre et pourtant elle prit un malin plaisir à remettre le couvert :
– Mais comme de bien entendu, Poséidon… Comme à chaque fois qu’on refuse de céder à l’un de tes caprices, en fait… Tu aimes bien tempêter pour obtenir ce que tu veux. Tu grondes, tu hurles, tu menaces… Mais ton comportement est aussi infantile que celui du plus jeune des apprentis de ce Sanctuaire ! !
L’Olympien se tendit brusquement, à deux doigts de gifler l’insolente, mais il se retint. Ses yeux se plissèrent alors que son regard assombri se vrilla sur celui d’Athéna qui eut la soudaine sensation d’être assaillie par un raz de marée. De toute évidence, Poséidon faisait un effort terrible pour se contenir et lui donner tort. Il finit par sourire lentement, une expression machiavélique se dessinant sur ses traits alors qu’il l’attaqua à son tour, venimeux à souhait :
– Et toi, où sont donc ta clairvoyance et ta sagesse ? Voilà que tu mets en balance la vie de millions d’êtres humains pour ce traître et ce parjure ?
Il fit face brutalement à son ancien Général et pointa son trident vers sa poitrine :
– Bravo, Kanon, je vois que tu as encore bien réussi ton coup ! !
Le Gémeaux tomba automatiquement en garde en voyant derechef l’arme le prendre pour cible. Une fois avait suffi, il ne se laisserait pas surprendre de nouveau ! Athéna, quant à elle, secoua la tête lentement avant de rétorquer avec ironie :
– Cesse donc de dire n’importe quoi, Poséidon ! Tu sais parfaitement que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour protéger l’humanité.
L’Ebranleur du sol sembla se détendre mais son aura était clairement perceptible des deux autres. On y lisait de la détermination, de la colère et… de l’amusement ? Tiens donc ! Poséidon était-il en train de jouer ? Les faisait-il tourner en bourrique ? Mais pour quelles raisons ? Athéna avait appris à se méfier de la perfidie de son oncle depuis les temps mythologiques. Il semblait bien que le dieu marin trouvait cette joute verbale très divertissante, malgré ses impressionnantes sautes d’humeur. Mais s’il se distrayait de la situation, elle savait parfaitement que Poséidon ne lâcherait jamais prise. Il voulait Kanon, c’était indéniable, et il ferait tout ce qui serait en son pouvoir pour l’emmener avec lui. En fait, elle avait l’impression qu’ils jouaient au chat et à la souris, version améliorée… Poséidon en chat, elle en souris et Kanon en fromage pour appâter la souris. D’ailleurs, elle ne fut guère surprise de le voir tenter une nouvelle stratégie, le tout enrobé d’un air sérieux, presque paternel, ce qui était en soi assez édifiant, surtout venant de sa part :
– Laisse-moi en douter, Athéna. Je suis l’un des dieux les plus puissants et tu refuses d’accéder à ma requête. Vu le risque que j’encours en concluant un tel accord avec toi, j’estime avoir le droit à une petite compensation. Après tout, enfreindre la loi de Zeus est un crime tellement grave que c’est le Tartare qui nous attend si mon frère venait à l’apprendre.
Elle le considéra sévèrement, parfaitement consciente de ce qu’elle mettait en jeu avec sa politique, mais elle était tout aussi consciente du danger qui les menaçait tous, même si elle ne pouvait en cerner l’origine pour le moment. Il était étrange que Poséidon ne l’ait pas ressenti lui-même… Peut-être y était-elle plus sensible grâce au sacro-saint instinct féminin ? Ou le dieu avait été si absorbé à reconstruire son Domaine qu’il n’avait encore rien perçu, ce qui était le plus probable. Elle décida d’être directe avec lui, sans pour autant le brusquer plus qu’il ne le fallait :
– Compensation que je t’aurais volontiers accordée si elle n’était pas l’expression de ta rancœur, mon oncle. Ce qui n’est absolument pas le cas actuellement. Je t’en prie, reviens à la raison ! Réfléchis au lieu de rester buté ainsi comme un gamin capricieux !
– Le gamin capricieux te dit non. Tu me donnes Kanon et je signe ton pacte. Si tu ne me le donnes pas, inutile d’insister, répliqua aussitôt le dieu, plus têtu que jamais.
Athéna ferma un bref instant les yeux avant de rétorquer avec une certaine urgence dans la voix. Elle devait le convaincre à tout prix !
– Tu n’es qu’un fieffé imbécile, Poséidon. Un danger nous menace tous… Notre division ne fera qu’apporter la victoire à notre adversaire. Les Olympiens doivent s’allier si nous voulons maintenir l’équilibre du monde. C’est toi qui t’isole, Poséidon. Lorsque Zeus s’apercevra de ce qu’il risque d’arriver, il nous rassemblera afin de faire front commun. Tu ne pourras plus te dérober, sauf s’il est trop tard pour toi, bien entendu...
Poséidon arbora un sourire moqueur et il prit une pose indolente, la regardant avec morgue et suffisance, plus tranchant que jamais. Elle croyait lui faire peur avec ses misérables menaces ? Mais pour qui le prenait-elle ? Un pleutre ? Elle voulait sûrement le mystifier. Il n’avait ressenti aucune menace jusqu’à présent. Et à part Délos et Ortygie, il ne s’était rien passé de notable. Et puis, sincèrement, il faisait peu de cas des faux jumeaux divins de son obsédé de frangin… Ces deux Olympiens n’étaient rien d’autre que des maniaques tout aussi vains qu’inutiles… Il n’était guère étonné que leur Sanctuaire ait été mis à sac : à force d’être pacifique, on devenait une cible facile et se cacher derrière un principe de neutralité ne faisait que mettre en avant sa propre faiblesse… Et cela en dehors de toutes considérations personnelles, bien entendu…
– Un danger ? Et de quoi s’agit-il, au juste ? Ton ambassadeur a été incapable de me le dire avec exactitude. Excuse-moi du peu, mais je ne m’engage pas sans avoir de certitudes ou une compensation digne de ce nom. Pourquoi irais-je me mettre à dos mon propre frère ? En tout cas, pas pour tes beaux yeux, Athéna ! Donne-moi Kanon et je consentirai à t’apporter mon appui dans ta pseudo-croisade. Si tu ne me rends pas mon Général, inutile de compter sur moi.
C’était le temps passé dans son urne ou alors l’âge qui le faisait toujours revenir au même point ? ? Athéna commençait sérieusement à se poser des questions sur la santé mentale de son oncle, non pas qu’il ait été toujours très sain d’esprit, d’ailleurs… Mais là, il était en train de démentir le célèbre adage " plus têtu qu’une mule "… Il pouvait aisément prendre la place de l’animal dans la formulation. Mais pourquoi donc Poséidon voulait-il à ce point récupérer Kanon ? Etait-ce vraiment pour une simple mise à mort ? Ou y avait-il quelque chose de plus subtil derrière ? En quoi son Saint pourrait-il donc servir son oncle ? A part sa vengeance personnelle, bien sûr…
– Encore ! ? ! s’exclama-t-elle, irritée par cette obstination frisant le ridicule. Mais combien de fois va-t-il falloir que je te dise que ce marché est impossible avec une telle condition ? ? Kanon est l’un de mes Saints, je ne te le céderai jamais, c’est clair ?
Une étincelle de joie malsaine s’alluma dans les pupilles bleues du dieu marin, qui rejeta ses cheveux en arrière avec ostentation. Il frappa à son tour le sol de la hampe de son trident et déclara en secouant négligemment la main :
– Très bien ! Inutile de discuter davantage, dans ce cas ! Dès que je quitte ce Sanctuaire, je mets Zeus au courant de tes manigances, Athéna. Attends-toi à recevoir sa visite sous peu ! Toi et tes alliés risquez d’avoir de sérieux ennuis !
Et il riait, en plus ! La jeune déesse l’épingla du regard alors que sa propre aura commençait à enfler, toute jovialité envolée. Lui tenir tête, toujours et encore, sans jamais fléchir. Elle le menaça ouvertement, cette fois. Elle ne voulait pas perdre ce qu’elle avait eu tant de mal à instaurer jusque-là… surtout à cause d’un aveugle, sourd à tout avertissement !
– Tu n’oseras pas, Poséidon. Tu sais parfaitement que tu risques de retourner plus vite que prévu dans ton urne.
Les traits du dieu se durcirent et il rétorqua, acide :
– Je préfère encore mon urne au Tartare, vois-tu !
Cette fois, c’en était trop. Elle explosa littéralement et montra les portes du doigt en adoptant un ton des plus impérieux :
– Quitte immédiatement ce Sanctuaire, Poséidon !
L’expression de l’Ebranleur du sol ne varia pas d’un iota. Il continua à défier la jeune déesse du regard, toujours avec son air cynique. Puis tout bascula d’un seul coup. Le dieu se déplaça si vite et de façon si inattendue que le Gémeaux n’eut pas le temps d’esquiver. Kanon se retrouva prisonnier de la poigne de fer du dieu, qui le maintenait par la nuque fortement, à la limite de la lui briser. Le jeune homme poussa un cri étranglé et se contorsionna pour tenter de se libérer, en vain. Poséidon l’avait capturé et il n’avait guère l’intention de le lâcher…
– Oh mais bien sûr… susurra-t-il avec fiel. Mais pas les mains vides !
– Relâchez-moi, Seigneur Poséidon ! ! s’exclama Kanon, aussi interdit que terrifié.
– Poséidon ! Laisse Kanon en paix ! cria Athéna, mortellement inquiète pour le Chevalier d’Or.
Le dieu marin se lécha lentement la lèvre supérieure, tout en dominant ouvertement son prisonnier. Le trident se baissa pour menacer l’autre déité et il répondit tout en fixant Kanon avec cruauté :
– Pourquoi discuter… J’ai ce que je suis venu chercher… Il est inutile que je m’attarde davantage…
Athéna se sentait impuissante devant cette situation. Poséidon pouvait tout aussi bien partir immédiatement et c’était elle qui perdrait. Elle décida de tenter le tout pour le tout et rappela donc certaines règles à son oncle bien-aimé :
– Tu es ici dans mon Sanctuaire ! Tu n’as pas le droit de venir te servir de cette façon et me mépriser au point de t’en prendre à l’un de mes Saints devant moi !
Le dieu marin se colla à Kanon et huma de nouveau la chevelure turquoise, avant de répondre en riant doucement :
– Mais ce n’est pas un Saint, c’est un Marina, ma pauvre Athéna… Qu’en dis-tu Kanon ?
– Vous n’êtes qu’une brute ! siffla aussitôt entre ses dents le Dragon des Mers, qui sentait ses cervicales protester vivement du traitement divin qu’elles subissaient.
Le dieu de la mer rapprocha son visage de Kanon et serra un peu plus sa prise sur sa nuque. Le Saint gémit de douleur, alors qu’une petite larme perlait au coin de son œil. Poséidon l’observa, appréciant la peur qu’il découvrait chez son prisonnier. Il pencha la tête de côté et murmura à son oreille :
– Et si je te brisais la nuque tout de suite, Kanon… Qu’en penserais-tu ?
Le regard noyé par la souffrance, le Dragon des Mers n’en répondit pas moins, décidé à ne rien lâcher à son bourreau :
– Que vous seriez un assassin pur et simple…
Athéna était courroucée… Et c’était un euphémisme. Son aura vibrait, imposante, plus puissante que jamais, envahissant toute la salle du trône, charriant une menace clairement visible. Même Kanon en fut tout intimidé dès qu’il la ressentit. A son tour, elle pointa Niké sur le dieu et elle tonna, digne d’être la fille du dieu à la foudre :
– Persiste à le menacer, Poséidon, et je te scelle immédiatement dans ton urne !
Les épaules de l’Olympien se mirent à s’agiter en rythme alors qu’il étouffait son fou rire. Menacer ? Lui ? Il n’avait même pas encore commencé ! ! ! Il se pencha pour mordiller doucement le lobe d’une oreille tendre et délicate tandis que le trident se posa sur un torse parfaitement musclé et viril… Tout comme il les aimait, en fait… Kanon poussa un véritable glapissement de surprise et chercha à s’échapper de l’étau du dieu, en vain.
– Pourquoi donc t’obstines-tu à le protéger ? demanda-t-il sournoisement à sa nièce en lui coulant un nouveau regard madré.
Il remonta la pointe centrale de son trident le long de la joue de Kanon avant d’en soulever une mèche lentement, un sourire sarcastique étirant ses lèvres, tandis qu’il soulignait les charmes de son captif, pâle comme la mort.
– A moins, ma chère nièce, que tu n’apprécies ce visage aux traits bien dessinés, ces yeux turquoise, ces longues mèches aussi soyeuses qu’indisciplinées, ce corps souple et athlétique des plus virils et cette langue de vipère…
Il écarta le trident doucement et le lâcha. Ce dernier, brillant de mille feux, resta alors en lévitation à ses côtés, préventivement dirigé vers la déesse de la sagesse. Souplement, il se glissa derrière Kanon, relâchant sa nuque pour lui saisir le menton, alors que l’autre main flattait lentement un abdomen crispé. Le Chevalier avait fermé les yeux, redoutant la suite des événements. Poséidon, quant à lui, s’était rapproché de son cou, qu’il se mit à effleurer du bout de la langue, tout en fixant d’un regard provocateur Athéna :
– Oui, ça doit être cela… Aurais-tu donc de tendres sentiments pour ton si respectable Chevalier ?
Athéna, fille de Zeus, déesse de la guerre et de la sagesse, détentrice de l’égide, se mit à rougir violemment… Comment… Comment ce sagouin osait-il ? ? ? Et là… Mais, par Zeus ! ! Qu’était-il en train de faire sous ses yeux ? ? Il allait lâcher Kanon, oui ? ? Ce genre de choses ne se faisait pas en pleine entrevue diplomatique ! ! Mais où allait-on à la fin ? ? Sans parler de ce sous-entendu grossier… Indignée, exaspérée, elle demanda avec une froideur mortelle :
– Oublies-tu donc qui je suis, mon oncle ?
Il laissa passer un instant de silence, l’air rêveur, gouttant distraitement à la ligne d’une mâchoire, avant de continuer sur un ton dur :
– Oh non… Je ne l’oublie pas, ma nièce… Tu es la fille chérie de mon incapable de frère, celle-là même qui a osé refuser de m’épouser et qui croit pouvoir se dresser indéfiniment contre ses pairs sans en payer le prix… Et tu es aussi la folle qui pense qu’elle restera toujours pure, comme ces deux autres extravagantes, Artémis et Hestia… Ma foi, tu ne sais vraiment pas ce que tu perds !
Et sur ces sages paroles, il posa délibérément une main à l’intérieur d’une cuisse frémissante, pour la caresser, sans pour autant toucher encore à une certaine partie délicate de l’anatomie de son Général. Ce dernier avait tenté d’échapper à ces doigts trop libertins et il chercha à se replier. Le rouge lui monta aux joues lorsque son fessier rebondi rencontra une aine divine et assurément… masculine… Il balbutia les premiers mots qui lui vinrent à l’esprit, désespéré de ne pouvoir sortir des griffes de ce… dieu plutôt réactif, d’après ce qu’il constatait. Par Athéna ! Il venait de passer de Charybde en Scylla en moins de cinq minutes ! !
– Seigneur Poséidon, je vous interdis de dire de telles infamies !
Poséidon se redressa doucement, totalement hilare, et se décala légèrement, de façon à laisser s’égarer une main très entreprenante sur une chute de reins, qui faisait encore rêver certains artistes de Délos.
– Que c’est mignon ! ! Le courageux Chevalier au secours de sa petite déesse, si fragile et si délicate ! ! Par le ciel ! Si ce n’avait été toi, Kanon, j’en aurais été presque ému… fit-il, narquois.
Il bloqua la mâchoire du Saint, caressant de son pouce ses lèvres closes, puis saisit brutalement à pleine main une bonne poignée de cheveux pour lui faire basculer la tête en arrière. Le dieu, le regard affûté et impitoyable, lança alors avec dureté :
– Mais voilà… Il s’agit bien de toi, Kanon, toi, qui m’as trahi après avoir trahi celle que tu prétends défendre aujourd’hui ! Combien de fois crois-tu donc pouvoir nous duper encore ?
La déesse se ressaisit. Si cela continuait ainsi, son Chevalier allait finir démembré sur place. Elle s’approcha, sans même se soucier du trident qui suivit son mouvement, et attrapa le bras de Poséidon.
– Assez discuté, Poséidon ! Relâche Kanon ! Immédiatement ! ordonna-t-elle fermement.
Son oncle lui jeta un regard goguenard et la défia, sûr de lui :
– Oh… Et tu feras quoi si je ne t’obéis pas ?
– Il n’y a que Julian Solo qui repartira d’ici… Et je suis très sérieuse ! répondit-elle, sans faiblir ni détourner les yeux.
La divinité marine fronça les sourcils, fort mécontente d’être à son tour menacée. Il desserra sensiblement son étreinte et rétorqua vivement :
– Tu ne le feras pas !
Ce fut Athéna qui eut un sourire mauvais en le fixant droit dans les yeux et qui répliqua avec sang-froid :
– Ne me tente pas !
Poséidon soupira longuement avant de s’exclamer, quelque peu dramatique :
– Oh, je t’en prie, Pallas ! Ne vois-tu pas que ce vaurien te manipule ?
Athéna resserra son emprise sur le bras de Poséidon et ne tomba pas dans le nouveau piège tendu :
– Et toi, tu es aveugle au point de ne plus être capable de voir la réalité en face ! Kanon s’est largement repenti ! Il a déjà payé de sa vie pour ses fautes ! Ta vengeance n’a plus aucun fondement, ne le comprends-tu donc pas ?
Le regard foncé du dieu marin brilla d’amertume et il gronda, s’accrochant désespérément à ses positions. Kanon lui appartenait ; personne ne le lui reprendrait maintenant qu’il le tenait !
– Désolé, Athéna, mais il a peut-être payé pour les crimes qu’il a commis envers toi, mais ça n’est pas mon cas. Mon Domaine se redresse à peine des dégâts subis par sa faute ! Alors, non, il est hors de question qu’il s’en sorte aussi facilement ! A cause de lui, mes Marinas et mes Généraux ont perdu la vie. Il a des comptes à rendre !
Il reporta son regard sur Kanon, sur ses yeux turquoise si beaux, sur ses lèvres qui semblaient si douces, tellement attirantes… Il était à sa merci, le Saint ne pouvait rien faire pour lui échapper… Alors pourquoi s’en priver, surtout si ça pouvait faire enrager sa nièce ? Il murmura doucement en se penchant vers le visage offert :
– Et puisque tu l’apprécies tellement, Athéna…
Les lèvres de Poséidon se posèrent sur celles de Kanon, les effleurant à peine, jouant avec, apprenant à les connaître… Puis le dieu se fit plus impérieux et approfondit le baiser, goûtant enfin le Général, sa langue taquinant celle du mortel, cherchant à l’amadouer avec une douceur insoupçonnée, surtout en comparaison avec la poigne d’acier, qui menaçait à tout moment de lui arracher la poignée de cheveux qu’elle retenait. Poséidon ferma les yeux, appréciant largement la situation, exigeant une soumission complète de Kanon, qui sentait ses jambes trembler sous lui, changeant l’angle du baiser avec délicatesse pour que son captif en éprouve un plaisir croissant.
Et tout cela devant le regard d’Athéna, dont le teint était devenu cireux…
– Tes Marinas et tes Généraux sont revenus à la vie, Poséidon, ta requête n’a plus aucun fondement ! Laisse cet homme tranquille ! tonna une nouvelle voix dans la salle, interrompant net le baiser, au grand mécontentement de Poséidon, qui avait senti que Kanon s’abandonnait peu à peu…
– Sanctuaire d’Athéna, temple de la Vierge, un peu plus tôt –
Les jambes croisées, les bras relâchés, les avant-bras reposant sur ses cuisses, les yeux clos et les cheveux coulant dans son dos et sur ses épaules, Shaka méditait… Il était d’une sérénité absolue et son paisible cosmos doré l’entourait, formant un véritable écrin chatoyant à son corps fin et nerveux. Il ne portait pas son armure. A quoi bon ? Ils n’étaient pas en guerre et de toute façon, il fallait être fou pour oser l’interrompre en pleine séance. Une telle hérésie se payait par la suppression d’un ou deux sens. Trois, lorsqu’il était généreux…
Le Saint de la Vierge profitait de ces instants de silence total et de léthargie physique pour tenter de mettre au point une stratégie lui permettant de faire tomber un certain Saint des Gémeaux sous son charme. Seulement, la belle théorie s’effondrait systématiquement comme un château de cartes dès qu’il la mettait en pratique. Ce qui avait le don de le désespérer. Comment faire comprendre à ce grand dadais, qu’il était là, tout près, et qu’il n’attendait qu’un minuscule regard de lui pour lui tomber dans les bras ?
D’ailleurs… en parlant de grand dadais… N’était-ce pas le jumeau de ce dernier qui venait de traverser son temple en courant d’air, sans même avoir eu la courtoisie d’attendre qu’il lui ôte au moins deux sens ? Ou un, seulement, pour ne pas déplaire à Saga… Il se leva vivement et regarda la sortie de son temple, les mains sur les hanches. Oh, il aurait deux mots à dire à ce malotru ! On ne passait pas son temple ainsi, sans son accord, et sans même lui avoir demandé l’autorisation, non mais !
Il fourra ses mains dans ses poches et grommela entre ses dents. Avec un peu de chance, elle finirait par louper une marche, l’autre flèche… Après tout, Kanon se traînait un tel karma que cela serait des plus probables… Il suivit quelques instants la progression de Kanon dans les Escaliers Sacrés et d’un seul coup, il se rappela d’un infime détail de rien du tout : Poséidon était reçu en ce moment même par Athéna… Poséidon voulait Kanon… et ce dernier se jetait directement sur le trident qui l’attendait pour l’embrocher…
Shaka ouvrit ses yeux sous le choc, pulvérisant une malheureuse colonne innocente qui n’avait rien demandé à personne. Il devait prévenir Saga ! Kanon était en danger. S’il y restait, Saga ne se pardonnerait jamais de ne rien avoir pu faire pour le sauver… Et lui pourrait dès lors s’inscrire sur un site de rencontres, parce qu’il ne serait plus question d’approcher le Gémeaux de près ou de loin… Autant éviter les catastrophes…
Il chercha le cosmos de Saga et le découvrit assez loin, sur la côte, dans un coin plutôt isolé. Visiblement, il n’avait pas senti le retour de son frère, Shaka allait donc se faire une joie de le lui apprendre. Il tenta une communication par télépathie et fronça rapidement les sourcils. Il se heurtait à un véritable mur… Et ce ne devait pas être volontaire… C’était plutôt comme si Saga n’était pas psychiquement là… Une seule explication pour Shaka : le Gémeaux dormait profondément.
Un sourire illumina son visage lisse. Pouvoir lui parler serait encore mieux ! Il courut dans sa chambre et se changea pour se mettre en valeur dans une tunique légère d’un blanc immaculé, fendue aux cuisses, et un pantalon court, qui, lui arrivant aux mollets, soulignait la finesse de ses jambes délicates. Il se fit une queue de cheval afin de ne pas se retrouver ébouriffé devant lui, laissant seulement libres les mèches sur son front, et, enfin satisfait de lui-même, quitta son temple à toute allure, dévalant les Escaliers comme un cabri, sidérant les quelques gardes en faction et stupéfiant les rares Golds qui traînaient dans leur temple respectif.
Shaka passa à la vitesse de la lumière pour arriver immédiatement auprès de son beau au sable dormant et s’immobilisa à quelques mètres de lui. Il resta soufflé par le spectacle… La première chose qu’il vit, ce ne fut ni le magnifique torrent bleuté et soyeux qui s’étalait autant sur un dos puissant que sur le sable, ni les épaules parfaites pour y appuyer sa tête, ni la hanche étroite et déliée qui s’offrait, impudique, à son regard, encore moins les jambes interminables, au galbe épuré… Non… Shaka ne put détacher son regard du magnifique postérieur qui s’exposait insolemment à la vue du premier promeneur venu… et qui surtout, rougissait comme une demoiselle sous les rayons ardents du soleil…
Mais la Vierge s’empourprait bien plus vite encore ! ! Et il se dit qu’il valait mieux préserver ce capital fessier et protéger cette peau fragile dès que possible… Si seulement il pouvait bouger, il ferait ça, oui… Mais pour le moment, plongé dans une extase complète, il admirait le corps étendu devant lui… Il avait d’ailleurs les yeux grands ouverts, parce que la double vue, c’était déjà pas trop mal, mais avec les organes servant uniquement à cela, c’était bien mieux ! ! Oh oui ! ! Comment aurait-il pu apprécier pleinement le grain de peau si délicat de cette partie charnue et secrète de l’anatomie de Saga, sinon ? ? Il fallait ce qu’il fallait…
Shaka sentait son cœur battre à une vitesse vertigineuse alors qu’il avait l’impression de se dessécher sur place. Saga nu était dangereux pour sa santé et son état mental, se dit-il, entre deux inspirations pénibles… Il ne comprenait pas comment il se faisait que ce Saint soit encore célibataire… Mais qu’à cela ne tienne ! Shaka était tout dévoué pour arranger ce petit problème ! Se sacrifier pour le bien d’autrui était charité, n’est-il pas ? Et la Vierge se sentait l’âme très charitable, en cet instant… S’il n’était pas déjà amoureux à ce moment-là, il le fut pour de bon dès lors.
Totalement plongé dans sa contemplation innocente, il perçut vaguement deux cosmos extrêmement puissants s’embraser et il lui fallut quelques secondes pour se rappeler ce qu’il était venu faire là, à la base. Il se recomposa une attitude neutre, cherchant à dissimuler sa rougeur, s’éclaircit la gorge et fit une première tentative pour réveiller le dormeur… Qui se solda par un échec… Saga plongea son visage davantage dans le creux de son coude, sans plus…
Shaka s’approcha alors et s’agenouilla près du Gémeaux. Il tendit une main timide et la posa sur une épaule, qui commençait aussi à rougir sous l’effet d’une exposition prolongée en plein soleil. Il le secoua doucement en l’appelant, mais une fois de plus, Saga n’eut aucune réaction. Se mordillant la lèvre inférieure, la Vierge écarta une mèche coquine, qui serpentait sur la joue du bel endormi, et se remit à rougir de plus belle. Il commençait vraiment à perdre tous ses moyens et si Saga ne sortait pas de sa léthargie très vite, il finirait par lui sauter dessus ! Il n’allait plus répondre de rien ! On n’avait pas idée d’être aussi séduisant, charismatique, sexy, fascinant… parfait… Il se mit à le secouer plus fermement et il parla un peu plus fort :
– Saga… Saga ! Réveille-toi, je t’en prie ! ! Saga ! ! !
Un œil turquoise embrumé s’entrouvrit difficilement et se posa sur le Saint de la Vierge qui vira totalement au cramoisi, pour le coup.
– Hmm ? ? ?
L’aîné des Gémeaux referma les yeux et se mit à bâiller longuement, avant de prendre enfin en considération la présence de son homologue empourpré :
– Shaka… ? Pourquoi tu es si rouge ? ? ?
Le pauvre Indien perdit toute couleur et balbutia :
– Euh… Un coup de soleil, sûrement…
Saga se redressa sur ses avant-bras et le regarda avec attention, vaguement amusé de le voir si perturbé, sans en connaître vraiment la raison :
– Un coup de soleil… Vraiment… En tout cas, tu guéris vite…
Et de refaire concurrence avec une cerise bien mûre pour un Saint de la Vierge, très embarrassé.
– Saga… Toi aussi, tu es en train de prendre un coup de soleil… Tes… euh… épaules sont en train de rougir…
– Oh… Merci de me prévenir… fit en souriant le Gémeaux en touchant son épaule brûlante.
Il ne se rendit pas compte alors que Shaka était en train de fondre sur place, mémorisant son sourire pour s’en faire un gentil souvenir à garder au chaud au plus profond de son cœur. Et il faillit être achevé lorsque son aîné se releva pour s’asseoir sur ses talons, insolent de beauté dans sa superbe nudité. Ce dernier ne prit même pas la peine de se couvrir et secoua vigoureusement ses longues mèches rebelles pour en chasser le sable.
– Au fait, tu n’es pas venu pour simplement me dire que j’étais en train de rôtir ?
Shaka inspira profondément : il devait absolument se calmer et garder la tête froide… à défaut d’autre chose. Heureusement qu’il était à genoux ! ! Il secoua vigoureusement le chef, faisant voleter ses interminables mèches blondes, qui finirent leur course groupées sur ses épaules, et il prit quelques secondes supplémentaires pour tenter de parler sans trahir son émoi. Pendant ce temps, Saga continuait tranquillement à s’ébrouer, puis à lisser sa chevelure afin de la remettre à peu près en ordre. Il s’était relevé pour enfiler son boxer et son pantalon lorsque, enfin, le Saint de la Vierge se décida à lui répondre :
– C’est Kanon…
Le soupir que poussa l’aîné des jumeaux fut des plus éloquents :
– Quoi, Kanon ? Qu’est-ce qu’il a encore fait comme bêtise ? Il a fait sauter Délos ?
Shaka releva ses yeux vers son nouveau dieu et répondit :
– Non… Il vient de revenir et il s’est précipité au Grand Palais…
– Laisse-moi deviner, le coupa Saga. Il est passé comme une flèche chez toi sans même te saluer. Tu sais, Shaka, c’est à lui qu’il faudrait en parler. Je ne suis pas sa mère.
Le Saint de la Vierge ferma alors les yeux et se releva à son tour, récupérant toute la grandeur et le détachement que l’on pouvait attendre de l’Homme le plus proche de Dieu. La remarque de Saga l’avait piqué au vif et il rétorqua aussitôt :
– Je ne me serais pas déplacé pour si peu. Je n’ai pas besoin de toi pour régler ce genre d’impolitesse.
Saga s’immobilisa et fit enfin attention à son pair. Il s’aperçut que ce dernier était très sérieux, malgré certaines de ses réactions qui avaient été des plus étranges jusque-là. Il sentit un soupçon d’inquiétude et il demanda :
– Que se passe-t-il alors ? Cela doit être grave pour que tu sois là… sans avoir pris le temps d’enfiler ton armure…
Les sourcils du blond se froncèrent, un peu plus vexé que l’amour de sa vie n’ait même pas remarqué ses efforts vestimentaires et il lança plus froidement qu’il l’aurait voulu :
– Notre déesse reçoit en ce moment même Poséidon en entretien…
– Et… ? fit Saga qui se tendit brutalement à ce dernier nom.
– Et Poséidon veut emmener Kanon avec lui pour se venger, Saga. Ton frère s’est jeté droit dans la gueule du loup.
Saga ramassa sa chemise brusquement et se mit aussitôt à courir, plantant là la Vierge en criant :
– Et pourquoi tu ne me l’as pas dit plus tôt ? ? ? Chaque seconde compte ! !
Shaka se mit à le suivre en rétorquant :
– Si je n’étais pas venu te le dire, tu serais encore en train de griller paisiblement sur le sable sans même t’être rendu compte de la présence de Poséidon et de ton frère dans le Sanctuaire, en même temps ! !
Saga lui jeta un regard torve et accéléra brutalement, laissant à la traîne Shaka, tout d’abord surpris par sa réaction. Puis il se mit aussitôt à le poursuivre en hurlant :
– Attends-moi ! ! A deux, ça sera plus facile ! ! Saga ! ! ! SAGA ! ! ! !
Et c’est ainsi, qu’au Sanctuaire d’Athéna, on vit le fier, le digne, le si serein Saint de la Vierge courir comme un dératé après un Saint des Gémeaux à demi nu, détalant comme s’il venait d’apprendre que la si douce Athéna venait enfin de trépasser…
– Sanctuaire d’Athéna, temple du Bélier –
Milo était en train de disposer les biscuits dans un plat creux et mit enfin ce dernier sur le plateau où deux tasses de thé odorant fumaient doucement. Il prit les poignées et emporta l’ensemble dans l’atelier où le Bélier travaillait sur Aquarius depuis tôt le matin. Comme les jours précédents et ce, depuis l’échec de Hyoga, Mü s’épuisait à la tâche et n’avait rien trouvé de très probant, malgré ses plongées quotidiennes dans l’âme récalcitrante de la Cloth. Cette dernière n’avait presque plus fait des siennes, surtout parce que les Bronzes se tenaient prudemment éloignés d’elle et, en général, il suffisait d’un refroidissement de l’air pour faire comprendre à un visiteur qu’il était indésirable.
Le Scorpion trouva Mü exactement dans la même position qu’il l’avait laissé : penché en avant, les mains posées sur le métal, le regard perdu dans le vague. Il déposa son chargement et reprit la place qu’il squattait sur la banquette longeant le mur. La présence du Chevalier du Bélier l’apaisait étrangement et, même si l’armure du Verseau lui rappelait un peu trop souvent son forfait, il préférait observer son pair au travail, plutôt que de se morfondre tout seul dans son lit ou dans son canapé, une canette de bière à la main. Et puis Mü ne l’avait pas chassé… Il ne le gênait donc pas.
De longues minutes passèrent encore avant que le Bélier ne se redresse enfin et abandonne une fois de plus son exploration. Sa mine sombre traduisait trop bien son nouvel échec. Il vint s’écrouler près de Milo et ferma les yeux de lassitude. Il ne comprenait pas la volonté d’Aquarius. Il n’était pas parvenu à déchiffrer les résidus du cosmos blanc. Ce dernier lui semblait si froid, si vide de sentiments… Un vrai bloc de glace, lisse et sans prise aucune pour le travailler. Et surtout, le Bélier ne saisissait pas comment un cosmos étranger pouvait avoir autant d’influence sur une Cloth. Cela ne s’était jamais produit auparavant… En tout cas, pas à sa connaissance…
Avec un soupir de découragement, il prit sa tasse de thé, souffla sur la surface bouillante et avala avec précaution une lampée du breuvage. Milo l’avait préparé comme il l’aimait et il lui jeta un bref regard de reconnaissance. Le Scorpion avait déjà une meilleure mine et semblait un peu plus alerte que les jours précédents. Et puis le Grec restait à distance pour ne pas l’embarrasser dans son travail, si bien qu’il avait fini par s’habituer peu à peu à sa présence. Cela l’empêchait de partir trop loin dans ses réflexions intenses alors que lui-même servait de dérivatif aux pensées noires de son pair.
Il reposa sa tasse et se massa les tempes du bout des doigts. Il ne comprenait vraiment pas… ou plutôt, il avait peur d’avoir trop bien compris… Et c’était impossible. Il devait reprendre tout de zéro, quelque chose devait lui avoir échappé, il n’y avait pas d’autre solution. Il ne pouvait pas y en avoir d’autre… Il ferma les yeux et voulut faire le vide dans son esprit. L’image d’un chevalier au regard glacial et indifférent revenait sans cesse, son dernier geste en quittant la salle du trône, empreint de défi et d’assurance, son teint qui n’avait même pas varié d’une demie nuance, son silence oppressant, qui était le pire de tout… Pas un mot d’excuse, pas une amorce de regret, rien… Comme s’il était dans son bon droit… Ce manque d’expression était passé à la trappe étant donné qu’il était réputé pour ne pas avoir de sentiment, mais en y réfléchissant…
Mü était de plus en plus sceptique. C’était par trop improbable et une telle explication était tellement grosse qu’elle en devenait invraisemblable. Et pourtant… Durant chacune de ses explorations au tréfonds de l’armure, jamais il n’avait senti qu’elle avait renié Camus… Jamais elle ne l’avait remis en doute… et ce, même après son bannissement… Pourtant, une Cloth ne pouvait être dupée, il le savait parfaitement… Se pourrait-il que le Français soit… innocent ? Il ferma de nouveau les yeux en se sentant envahi par un profond malaise. L’envisager signifiait remettre en doute la parole d’Athéna et de son Maître… Ce qu’il ne pouvait pas faire, bien entendu.
Mais cela n’expliquait pas totalement le comportement anormal d’Aquarius… Mü avait déjà songé que l’armure ne reconnaîtrait que l’inconnu au cosmos blanc comme nouveau porteur, ce qui pouvait justifier son rejet brutal de Hyoga… Mais il y avait aussi le fait que la Cloth gardait des échos trop puissants de Camus, comme si elle le considérait toujours comme son Chevalier, comme s’il était vivant et là, prêt à la revêtir à tout moment… Mü ne savait plus que penser… Camus innocent et vivant, était-ce possible ? Alors que cela signifiait-il ? A quoi cela rimait-il ? Il ne comprenait pas pourquoi le Français aurait accepté une telle situation sans même tenter de défendre son honneur… Surtout lui, en fait…
Un début de migraine pointa le bout de son nez. Il se mit à inspirer profondément pour se détendre, puis prit sa décision au bout de quelques secondes : il devait en parler à Shion, son ancien maître. Peut-être que lui y verrait plus clair et confirmerait ou infirmerait son hypothèse… En tout cas, il ne pouvait pas continuer à réfléchir dans le vide sans avoir de nouvelles données. Il voulait savoir la vérité sur Camus et peut-être qu’alors, il pourrait faire vraiment le point sur Aquarius…
– Maître ! Maître ! J’ai fini votre exercice et j’y suis arrivé !
Mü retint son soupir d’exaspération et tacha de présenter à son apprenti un visage aimable. Mais que ce gamin pouvait être insupportable quand il s’y mettait ! Toujours là quand il ne le fallait pas ! Il grimaça un sourire crispé :
– Très bien, Kiki. Tu me montreras demain. En attendant, tu vas aller prendre une douche, te changer et goûter. Ensuite, tu continueras la traduction du texte que tu as commencée hier. Je te laisse te débrouiller, je corrigerai plus tard. J’ai encore du travail à faire.
Kiki le regarda, visiblement surpris, puis il avisa l’armure sur l’établi et son expression se fit très sérieuse :
– Vous avez un problème avec l’armure du Verseau ? Vous n’avez toujours pas trouvé ce qu’elle a ? Et vous avez savez pourquoi elle ne veut pas retourner au Palais du Grand Pope ?
Exaspérant, insupportable, perspicace… Tout à fait horripilant, quoi… Mais qu’avait-il fait au ciel pour qu’on lui inflige une telle punition ? Mü se força à rester zen : s’il se mettait en rogne et qu’il étripait ce foutu môme trop curieux, il aurait de gros soucis. Et il ne tenait pas à avoir les Bronzes sur le dos. Non merci ! Très peu pour lui ! Il en avait assez, question gamin, avec Kiki ! Inutile d’en rajouter ! Après avoir jeté un coup d’œil à Milo, qui souriait doucement, Mü lui tourna abruptement le dos et lança :
– Kiki, t’ai-je demandé de t’occuper de cette armure ?
– Non, Maître Mü, fit un apprenti tout penaud.
– Alors fais ce que je te dis et ne t’occupe pas de ce que je fais.
Le Scorpion croisa les bras sur sa poitrine et prit la parole :
– Va faire ce que t’a dit ton maître, Kiki. Il est très occupé et il a besoin de concentration.
Le garçonnet hocha la tête doucement et s’éclipsa sans un bruit. Milo se leva et s’approcha lentement de Mü pour venir, une fois de plus, près d’Aquarius.
– J’ai vraiment l’impression que tu as abouti à une impasse… C’est si mauvais que ça ?
Le Bélier secoua la tête et marmonna :
– J’ai beau plonger encore et encore au cœur de cette armure, ce que je perçois est totalement illogique… Je ne sais que penser… Je ne peux pas bâtir d’hypothèse, il me manque trop d’éléments.
– Tu devrais te changer les idées, ça t’aiderait peut-être ?
Mü regarda Milo, visiblement surpris :
– Et c’est toi qui me dis ça ? ? C’est le sourd qui se moque de l’aveugle, là…
Le Saint d’Or secoua lentement la tête puis reprit :
– Désolé, Milo, je ne voulais pas te blesser… Mais cette histoire commence à me porter sur les nerfs. Tout m’agace, en ce moment…
Le Grec hocha la tête, répondant calmement :
– Je m’en doute, mais t’en prendre à ton disciple ne fera pas avancer les choses. Dis-moi ce qu’il doit faire pour son entraînement et je le surveillerai. Je ne suis peut-être pas le meilleur maître qui soit, mais je peux au moins veiller sur lui.
Le Bélier ferma les yeux et se passa une main lasse dans ses cheveux mauves :
– Ce n’est pas ton rôle, Milo. C’est à moi de veiller à sa formation.
– Mü, tu ne peux pas tout faire… Et Kiki ne s’en portera pas moins bien parce qu’il a passé quelques heures avec un autre Saint d’Or pour superviser son entraînement. Promis, je ne dévoilerai aucun secret des Béliers d’Or…
Le gardien de la première maison pencha le chef, s’accordant un instant de réflexion. Après tout, c’était l’occasion de faire progresser Kiki, tout en distrayant le Scorpion de ses idées noires et en lui permettant de s’entraîner discrètement. Les deux partis y trouveraient leur compte. Il se tourna de nouveau vers Milo :
– D’accord… Tu…
Il s’interrompit brusquement, appelant d’instinct son armure en courant vers l’entrée de son temple, le Scorpion sur ses talons.
– Va auprès de Kiki, Milo ! s’écria le Bélier d’Or alors qu’il débouchait enfin sur le parvis de son temple.
Le Scorpion obliqua dans sa course et entra dans les appartements privés de Mü, revêtant sa propre armure, les yeux fixant la porte, l’ongle écarlate prêt à fondre sur le moindre intrus. Le garçonnet, en le voyant faire irruption aussi vivement, était accouru pour comprendre ce qu’il se passait, mais un bras plus ferme qu’il ne le paraissait, l’avait repoussé en arrière :
– Reste derrière moi, Kiki ! Ton maître m’a demandé de veiller sur toi.
– Mais je veux aller l’aider ! ! s’exclama l’apprenti, mécontent.
Le Saint d’Or tourna ses yeux rouges vers lui et utilisa sa Restriction afin d’éviter que le garnement ne se téléporte. Il rétorqua doucement :
– Ton maître doit accomplir son devoir. Tu ne ferais que le gêner. Surtout qu’il s’agit là de quelqu’un de très puissant. Tu ne pourrais rien faire.
Paralysé, Kiki ne put qu’attendre que l’effet de l’attaque se dissipe… et malheureusement, il savait qu’il en avait pour un bon moment. Le Scorpion était prêt à passer à l’offensive, formant un rempart de son corps affaibli pour le protéger. Il se concentra, tout comme le Grec, qui scrutait la moindre variation de cosmos de son homologue du premier signe.
Ils sentirent tous les deux l’énorme puissance arriver enfin au temple du Bélier et, même si elle ne semblait guère agressive, Milo, comme Kiki, surent aussitôt qu’aucun d’entre eux ne pourrait faire face à un tel cosmos. Mais celui du Bélier n’avait pas varié, il n’y eut qu’une once d’inquiétude, mais sans plus. Le Scorpion se tendit, prêt à parer à toute éventualité, cherchant à retrouver ses réflexes de tueur pour faire face au danger possible.
Pendant ce temps, Mü se dressait à l’entrée de son temple, imposant dans son armure et sa cape ondulant doucement dans la brise. Il regarda l’étranger gravir les marches posément, sans sembler plus que cela impressionné par le Chevalier d’Or. Il s’immobilisa quelques secondes devant le Bélier, le toisant avec morgue alors qu’un léger sourire se dessinait sur ses lèvres. Le trident, qu’il tenait en main, s’illumina brièvement et l’intrus ordonna sèchement :
– Ecarte-toi, Chevalier ! Tu n’as rien à faire sur mon chemin !
Paisible, Mü posa une main sur sa hanche et secoua lentement la tête :
– Vous êtes hors de votre Domaine, Seigneur Poséidon, et je ne peux vous autoriser à franchir mon temple qu’avec l’accord de ma déesse.
Le regard bleu foncé étincela et un léger éclat de rire résonna dans le temple alors que le dieu rétorquait :
– Mais ma douce nièce attend ma visite, Chevalier. Ne la fais pas différer davantage.
Mü se concentra et entra directement en communication avec Shion qui lui confirma les dires du dieu marin. Il ne fallut que quelques secondes, mais cela fut suffisant pour Mü qui reçut de nouvelles instructions. Il tourna abruptement le dos au dieu, dans un élégant mouvement de cape, et ordonna sèchement, ne voulant guère se montrer impressionné par lui :
– Suivez-moi, je dois vous escorter jusqu’au temple de la Balance où son gardien prendra le relais.
Le dieu lui emboîta le pas sans dire un mot, regardant le paysage avec un ennui marqué, le trident oscillant nonchalamment entre ses doigts fuselés. Si le Saint d’Or était irrité, il ne le montrait pas, tout comme le dieu marin. Chacun gardait précieusement son masque. La politique se jouait dès le premier contact avec les sous-fifres, selon Poséidon. Pour Mü, il s’agissait surtout de montrer qu’un Saint, quel qu’il soit, ne le redoutait pas, tout dieu qu’il était, et que la garde d’Athéna – et toute la garde, pas seulement ces fous suicidaires de Bronzes – n’hésiterait pas à l’affronter…
Dans l’appartement du Bélier, Milo se détendit et dissipa l’emprise de son attaque sur le malheureux Kiki, dont les jambes se mirent aussitôt à trembler. Le Scorpion le rattrapa avant qu’il ne tombe assis sur le sol et l’embarqua dans sa chambre pour l’allonger sur le lit. Il passa une main affectueuse dans ses cheveux roux, sourit au gamin et murmura :
– Repose-toi, mon grand… Tu as été bien fort et bien brave pour ne pas t’évanouir sous l’effet de la Restriction. Tu es digne de ton maître.
L’enfant lui jeta un faible regard hargneux, la mine boudeuse, et murmura :
– Pourquoi… ?
– Tu le sais, Kiki, je te l’ai dit. Ton maître m’a demandé de veiller sur toi et de te protéger. Je sais que tu es très courageux. Mais tu es aussi têtu. Tu aurais profité que je te tourne le dos pour te volatiliser et ton maître se serait retrouvé dans une position délicate.
– Je l’aurais aidé ! s’exclama l’apprenti avec conviction.
Milo le regarda droit dans les yeux et lança avec franchise :
– Tu l’aurais embarrassé, Kiki. Ton maître est un Saint d’Or et il doit protéger son temple. Comment aurait-il fait si cet étranger aurait attaqué et que toi, tu serais allé l’aider ? Tu aurais servi d’otage, ton maître aurait perdu toute son efficacité… Tu comprends ?
Kiki soutint son regard quelques minutes, puis sourit d’un air taquin :
– C’est pour ça que, toi aussi, tu étais cloîtré dans l’appartement ? Pour pas que tu serves d’otage et que Maître Mü soit libre d’agir ?
Milo sursauta et s’empourpra, totalement surpris par le retournement de sa propre argumentation. Il savait parfaitement qu’il aurait plus été une gêne qu’autre chose pour le Bélier si celui-ci avait engagé le combat, mais de là, à le considérer aussi faible… Son orgueil en était piqué au vif, pour le coup ! Il ne chercha pas à répondre au petit insolent, se redressa de toute sa taille et ordonna, plus sèchement qu’il ne l’aurait voulu :
– Dors, Kiki. Les effets de la Restriction se dissiperont totalement dans quelques heures. En attendant, il faut que tu regagnes des forces. Et ne tente pas de me fausser compagnie, je te surveille. Autre chose : fais bien attention à ce que tu dis. Un jour, il t’arrivera une bricole.
Milo quitta alors la pièce, refermant doucement la porte derrière lui, pour retourner dans le salon où il ôta son armure, décidément bien lourde. Il se massait la nuque, tout en guettant l’apprenti, lorsqu’il perçut un cosmos pénétrer dans le temple. Il lui fallut une bonne minute pour comprendre que ces résonances glaciales et ces ondes particulières n’étaient pas celles d’un certain Verseau, mais plutôt celles de son disciple. Il se mordilla la lèvre inférieure, indécis. Hyoga n’était pas censé revenir au sein de ce temple tant qu’Aquarius se montrerait aussi hostile envers lui. Que faisait-il là, alors ?
Il finit par se morigéner et alla à la rencontre du visiteur. Il entra dans le hall d’entrée privatif au moment où le Cygne y pénétrait. Surpris de le voir aussi près, Milo réagit d’instinct et lança le Scarlet Needle. Ce ne fut que par ses réflexes que Hyoga évita l’attaque, qui fit des petits trous dans le bois épais de la porte, et il se jeta sur le Scorpion pour l’immobiliser, face contre le mur, le dos plaqué à son torse recouvert de l’armure. Milo grogna de mécontentement, mais ne tenta pas de se libérer.
– Tout va bien, ici ? demanda le Bronze.
– Oui, ça va. Si tu cherches Mü, il n’est pas ici. Et je te conseille de repartir avant de te retrouver une fois de plus dans un bloc de glace.
– Que se passe-t-il, Milo ? Tu m’as l’air bien nerveux… insista le jeune Russe, en se collant davantage au Grec, dont les fesses se trouvèrent en contact avec une partie de la ceinture du Cygne.
– Relâche-moi, renâcla le Scorpion, quelque peu embarrassé par la position.
Hyoga scruta le visage du Saint d’Or, faussement calme, notant au passage sa beauté sauvage, ses traits bien dessinés, et le libéra de son emprise. Milo ne lui jeta même pas un regard, murmura un faible merci et retourna dans le salon, semblant considérer que la conversation était terminée. Mais le Russe avait été l’élève d’un certain Camus, roi de l’esbroufe et de la dérobade verbale, et il ne se laissa pas aussi facilement mettre à l’écart. Il le suivit et reprit avec aplomb :
– Que s’est-il passé ? J’ai senti un puissant cosmos étranger. De qui s’agissait-il ?
Milo haussa les épaules et se laissa tomber dans le canapé, légèrement ennuyé par l’insistance de Hyoga :
– Un dieu, sûrement… Athéna l’attendait, visiblement. Mü l’escorte.
– Tu es sûr ? Et si c’est un ennemi ? N’est-ce pas dangereux de le laisser s’approcher de la déesse ?
Le regard orangé du Scorpion fixa le Bronze et il rétorqua vertement :
– Bah ! Comme d’habitude, vous irez jouer les héros en la sauvant pendant que nous autres, nous garderons tranquillement nos temples, en attendant d’être sacrifiés pour que vous puissiez accomplir vos exploits… On commence à y être habitué, à force !
La remarque avait été amère et Hyoga baissa un instant les yeux, blessé, et incapable de soutenir ces pupilles vides de toute passion guerrière. Le Scorpion semblait vraiment avoir mal pris les différents rôles qu’il avait dû assumer lors des dernières guerres saintes. Et Hyoga était sûr qu’il ne devait pas être le seul. Les cinq Bronzes avaient parfaitement senti une certaine réserve à leur égard de la part de leurs aînés, même s’ils faisaient tout pour se montrer aimables avec eux. Mais le fait même qu’Athéna semblait les préférer à sa garde d’élite avait jeté la méfiance et la rancœur entre eux, au lieu de les rapprocher. En un sens, le Cygne les comprenait : tant d’années d’entraînements, de sacrifices personnels, d’attente, de rêves de gloire, de souffrances, de blessures et de combats… pour rien… Ou plutôt pour que, finalement, la déesse ne s’occupe pas d’eux comme ils l’auraient mérité après tous ces affrontements où ils avaient fini par se sacrifier pour elle. Il y avait de quoi être sévèrement ébranlé dans ses convictions… D’autant plus lorsqu’on savait qu’elle avait été incapable de les sortir des Limbes du Royaume d’Hadès…
– Milo… Je t’en prie… Tout le monde sait que vous êtes indispensables à Athéna. Que serait le Sanctuaire sans ses Saints d’Or ?
Le Scorpion se renfonça dans son fauteuil et grogna en croisant les bras :
– Ne dis pas n’importe quoi ! Maintenant que vous êtes là, les Saints d’Or ne servent plus qu’au décorum… Me demande bien pourquoi Athéna s’obstine à nous maintenir, tiens !
Il détourna le regard, préférant contempler le petit bout de nature aride qu’il voyait par la fenêtre. Le Cygne ôta son armure et prit place à ses côtés. Il garda un instant le silence et murmura :
– Parce que vous êtes les Gardiens du Zodiaque et les remparts vivants protégeant notre déesse… Vous êtes puissants et sans vous, jamais nous n’aurions pu réaliser ce que nous avons accompli. Vous êtes nos guides, de vrais exemples à suivre…
Milo secoua la tête en soufflant avec dédain :
– Tu parles ! Bel exemple, oui… Un schizophrène, un ancien traître, deux psychopathes, deux assassins, un feu glaçon, deux illuminés, deux faux sages, un fanatique, une armoire à glace… Quelle brochette de bras cassés ! On ne sert strictement à rien !
Le Cygne s’appuya contre le dossier du canapé et rétorqua :
– C’est faux et tu le sais très bien. Nous avons eu beaucoup de chance, mais sans vous, même avec cette chance, nous n’y serions pas arrivés. Vous nous avez tellement appris. Et ce n’est pas pour rien que vous êtes la garde dorée. Une telle puissance dort en vous. Je ne suis pas naïf au point de croire que nous pourrions renouveler l’exploit de la Bataille du Sanctuaire. Vous nous avez laissés passer en nous testant, sans plus…
Milo baissa la tête en soupirant :
– Tu oublies ceux qui sont morts lors de cet affrontement, Hyoga…
– La colère et l’aveuglement les ont poussés contre Athéna, Milo.
– Pas tous, et tu en es aussi conscient que moi…
Un lourd silence plomba la pièce. Hyoga observa Milo un long moment, prit sa main qu’il serra délicatement, puis murmura :
– C’est du passé… Il faut considérer l’avenir…
Le Scorpion se tourna prestement vers lui, étonné par ce geste trop familier, et il se décala afin de ne pas être trop proche de Hyoga, tout en retirant vivement sa main.
– Hyoga… Pourquoi es-tu ici ?
Tu es tout ce qui me reste de Camus, Milo… Il t’appréciait tant… Son armure ne veut pas que je l’approche… Mais toi… Toi qui le connaissais depuis son enfance, tu sais mieux que quiconque qui il était… J’ai l’impression qu’il reste une parcelle de lui en toi… Laisse-moi t’aborder…
– Je voulais juste m’assurer que tout allait bien… Je me suis inquiété en sentant ce cosmos si puissant… Je ne m’attendais pas à te trouver là, à vrai dire…
Les yeux du Saint d’Or se plissèrent et il répondit :
– Pourtant presque tout le Sanctuaire sait que je ne suis plus dans mon temple dans la journée… Ne me fais pas croire que tu l’ignorais, les ragots vont vite, ici.
Le Russe lui fit un sourire timide, gardant cependant ses distances. Il avait senti le Grec réticent, il devait d’abord l’amadouer.
– Milo… Je n’aurais jamais pensé que Mü te demande de rester là avec une présence potentiellement hostile aux portes de son temple. Je craignais juste qu’il y ait une attaque et j’ai accouru pour prêter main forte.
Le Scorpion ne répondit pas. C’était inutile. Pourquoi justifier sa présence en ce temple alors que l’intrus était le Bronze ?
– Je ne voulais pas t’ennuyer… Et puis, je me sens perdu depuis quelques mois…
Le cœur du Grec se serra. Il avait parfaitement compris l’allusion du jeune homme et, blême, il murmura :
– Il te manque aussi… Beaucoup de Chevaliers n’ont pas encore tourné la page. Il était discret, mais incontournable… Hyoga, est-ce que tu savais ce qu’il faisait ?
Le Cygne secoua ses mèches blondes doucement, se perdant dans la contemplation de l’épais tapis en laine sur le sol devant lui.
– Non… Enfin, ce que je veux dire, c’est que je me doutais qu’il jouait un rôle important au Sanctuaire, mais je ne pensais franchement pas qu’il en était l’espion en titre… J’aurais dû pourtant le deviner, avec les quelques trucs qu’il m’avait appris, mais jamais je n’aurais cru… Bref, ça a été la grosse surprise le jour où… le jour où il est parti…
Milo passa une main dans sa chevelure folle et grimaça :
– Alors toi non plus… Tu sais qu’il est dur de comprendre que, finalement, tu ne connaissais pas ton ami d’enfance ? Je me demande qui, à part le Grand Pope, Athéna et Saga, était au courant de sa véritable fonction… Et ce qui me fait encore plus mal, c’est de ne pas comprendre pourquoi il a basculé… Il n’y avait aucun signe, rien… Il restait toujours égal à lui-même… Pourquoi… ?
Cette fois, quand Hyoga lui prit la main, le Grec ne la retira pas.
– Milo… Je crois que ça, on ne le saura jamais. Camus était trop isolé, trop renfermé sur lui-même… Il voulait tant ressembler à un glacier éternel de Sibérie et finalement, il s’était coupé des autres au point que même ses proches ne pouvaient plus lire en lui… Mais il reste le souvenir que nous gardons de lui…
Et je voudrais partager le mien avec toi, Milo…
Le Scorpion ne lui répondit pas, une fois de plus. Il avait fermé les yeux et semblait perdu dans ses pensées. En réalité, il ne réfléchissait même pas. Il se laissait porter par ses souvenirs, oubliant totalement la présence du Cygne près de lui. Il tentait de décrypter une nouvelle fois ces regards si particuliers de Camus, de comprendre le sens qui se cachait derrière… Et Hyoga n’était guère utile dans cette introspection.
Se sentant superbement ignoré, Hyoga se releva doucement, avec l’intention de laisser Milo ruminer tout seul. Il reviendrait à l’attaque plus tard. Il fallait juste laisser un peu de temps au Grec. Il se dirigeait vers l’entrée du salon, lorsqu’il sentit un cosmos connu traverser le temple à toute allure. Le Scorpion sursauta et se redressa brusquement, tous les sens en alerte. Le Cygne demanda, incertain :
– Saga ?
Milo rétorqua aussitôt, sûr de lui :
– Kanon. Il est rentré de mission. Et ça a l’air plutôt pressé.
– Il aura mis le temps, grommela le Cygne. Aiolia est revenu depuis un moment.
– A ta place, je me tairais, surtout en ne sachant pas de quoi il retourne au juste, conseilla Milo, glacial.
– Mpfff… Quand même… La diplomatie doit être un jeu d’enfant pour le manipulateur aguerri qu’il est…
– Il n’a pas été formé pour ça, Hyoga. Aucun de nous ne l’a été. On ne palabre pas avec l’ennemi, on ne pleurniche pas devant lui, on se bat. Point.
– Milo… Tu…
La porte s’ouvrit sans prévenir, coupant net la réponse du Bronze. Mü s’encadra à l’entrée et son visage se ferma en découvrant le Russe présent dans son salon et le teint décoloré du Scorpion. Il croisa les bras lentement et, tout en lui lançant un regard mauvais, il commença :
– Bonjour Hyoga. Il me semble que j’avais dit quelque chose au sujet de ta présence en ces lieux…
– Mü, je voulais juste m’assurer que tout allait bien…
– Eh bien, ça y est, tu as vérifié, tu peux partir, rétorqua le Bélier, cassant. Tu m’as désobéi et à cause de toi, mon atelier est peut-être, en ce moment même, ruiné, alors avant que je ne m’énerve pour de bon, je te conseille vivement de quitter ce temple.
Le Russe obéit sans chercher à discuter davantage. Mü semblait vraiment fâché et il comprenait pourquoi. Après tout, il avait pris l’initiative de venir au premier temple sans avoir demandé l’avis de son gardien, allant jusqu’à braver l’interdiction pourtant claire qu’il avait formulée quelques jours plus tôt. Le Bélier avait toutes les raisons d’être agacé… Et un Bélier agacé, même si c’était rare, était toujours mauvais signe… Cela sentait l’attaque mortelle pas très loin…
Dès qu’ils furent de nouveau seuls, Mü reprit une expression plus avenante. Il serra l’épaule du Scorpion dans un geste réconfortant et demanda doucement :
– Où est Kiki ?
– Il est dans sa chambre où il se repose. Il était inquiet pour toi. Il faudrait que tu lui parles un peu de la stratégie, Mü…
Le Bélier eut un sourire amusé et remarqua :
– Tu es le mieux placé pour cette partie de son éducation, il me semble. Je te laisse le soin de la lui apprendre.
Milo rougit brutalement, embarrassé de voir que Mü lui accordait une telle responsabilité. Il s’était juste proposé pour surveiller son entraînement, pas pour lui enseigner quoi que ce soit… Son âme meurtrie sembla s’alléger un peu : si quelqu’un d’aussi sage que le Bélier lui donnait cette délicate tâche, c’était parce qu’il lui faisait confiance, et c’était très apaisant. Il hocha la tête pour signifier qu’il acceptait, soulagé de servir enfin à quelque chose.
– Bon, je vais aller vérifier qu’Aquarius n’a pas fait des siennes durant mon absence…
Brusquement réveillé en pleine rêverie, Milo se tourna vers lui, et eut un sourire hésitant :
– Je viens avec toi… Kiki dort, je ne voudrais pas le déranger par mégarde…
Le Bélier acquiesça sans réfléchir. Milo ne le perturbait jamais et de plus, Aquarius acceptait sa présence. Il remonta donc le hall paisiblement, aussitôt suivi par le Scorpion qui gardait un silence quasi religieux.
Ils étaient tous deux en train de se diriger vers la partie du temple consacrée à l’atelier lorsqu’ils entendirent une démarche sautillante qui résonnait sur les parois rocheuses se dressant de chaque côté de l’Escalier Sacré. Ils s’arrêtèrent et, complètement éberlués, ils virent passer Shaka, les yeux ouverts sur un monde de rêves, en train de trottiner joyeusement, sans vraiment sembler s’apercevoir qu’il était en public… Il ne les remarqua même pas, totalement dans son univers, et passa le temple rapidement, l’expression béate et pressé d’arriver, visiblement…
– Euh… C’était bien Shaka, ça ? demanda Milo, incrédule.
– Semblerait… murmura Mü, tout aussi choqué.
– T’as vu la même chose que moi, hein ? Parce que là…
– Semblerait…
– Dis… Shaka, l’Homme le plus proche de Dieu, était bien en train de sautiller avec un sourire d’imbécile heureux ? J’ai pas rêvé ?
– Semblerait…
– T’es sûr que c’est pas une hallucination collective, là ?
– Semblerait pas…
Et sur ces quelques mots hautement philosophiques, Mü se retourna brusquement vers Milo pour lui demander d’un air suspicieux :
– T’as mis quoi exactement dans le thé, Milo ? Tu ne t’es pas trompé de boite, j’espère ?
– Bah… Jusque-là, je pensais que non… Mais après ça… J’ai un doute… Tu ne l’as pas changée de place, au moins ?
Mü posa sa main sur son front avant de murmurer :
– Je crois que j’ai de la fièvre, là… Finalement, je reste dans mon salon. Aquarius attendra un peu… Oui… Ça doit être ça : je délire… Shaka en train de sautiller… Pfff ! N’importe quoi ! !
Il fit alors demi-tour, suivi automatiquement par Milo. D’ailleurs, le Bélier l’apostropha aussitôt :
– Toi… Tu vas me montrer quelle boite tu as utilisé… C’est louche !
– Mais Mü ! ! La même que d’habitude, enfin ! ! protesta Milo, sincère.
Le Bélier s’arrêta si brutalement que le Scorpion lui rentra dedans. A moitié sonné, Milo sentit à peine la main sur son front et se retrouva embarqué de force sans vraiment comprendre ce qui lui arrivait :
– Tu ne m’as pas l’air très bien non plus, toi ! Tu vas me faire le plaisir de te reposer et de te soigner correctement, sinon, je te botte le train ! Parce que, désolé, mais voir Shaka sautiller, ce n’est absolument pas normal ! !
– Mais toi aussi, tu l’as vu ! rétorqua Milo en se frottant le nez.
– Nous sommes tous les deux malades… Nous avons dû attraper un virus qui crée des hallucinations ! Shaka en train de sautiller ! Hahaha ! ! ! Bientôt, ça sera Shura en string ! ! Ou Aldé en train de se dandiner avec un cerceau autour du ventre ! !
Choqué, Milo s’exclama :
– Eurk ! ! T’as de drôles d’idées, toi ! ! Veux jamais voir ça ! !
Le Scorpion atterrit sur le canapé, un gant de toilette frais posé sur le front et une couverture remontée jusqu’au menton, tandis que Mü retournait fébrilement ses boites afin de voir si le thé était coupable ou non. Il s’avéra que non. Alors, il prit place dans le fauteuil, l’œil scrutant le Scorpion comme s’il cherchait à détecter le moindre symptôme.
Plusieurs minutes passèrent dans un silence où chacun tentait de comprendre ce qu’ils avaient vu… En vain…
– Mü ? fit une voix s’adressant au Bélier par télépathie. Mü ? Tout va bien ?
– Aldé ? Euh… oui, ça va, répondit d’une voix peu assurée le Gold.
– Tu as vu Shaka ?
– Euh…
Mü entendit un grand éclat de rire résonner dans son esprit, puis le Taureau lança :
– Il était trop drôle à gambader comme une midinette ! ! Jamais je n’aurais cru que ça lui arriverait !
– Lui arriver quoi ? Il est malade ?
– Il est amoureux, Mü ! C’est pour ça qu’il filait dans les escaliers en rêvassant ! ! C’était une belle photo à prendre… Dommage que mon appareil soit cassé…
Et Mü se sentit stupide… totalement stupide… Comment n’avait-il pas deviné ? Pourtant le comportement de Shaka le trahissait mieux que la pleine lune durant une nuit dégagée ! Quel idiot ! Shaka était amoureux… L’Homme le plus proche des Dieux était en train de flirter comme une collégienne ! ! Il eut juste le temps de se demander de qui il s’agissait avant de partir dans un fou rire incontrôlable.
Milo le regarda une longue minute sans comprendre pourquoi son alter-ego était en train de rire ainsi. Il ôta le gant humide et lui darda un œil interrogateur, commençant à songer que le Bélier devait vraiment être devenu fou… Peut-être à force de se heurter à un mur avec Aquarius et le fait qu’il soit sans cesse dérangé ? Mais le Saint n’avait pas de regard halluciné, non… Et puis, il y avait ces petites larmes qui coulaient sur ses joues…
– Euh… Mü ? Que se passe-t-il ?
L’interpellé inspira profondément, histoire de pouvoir expliquer la situation au Scorpion sans s’étouffer de rire. Une fois presque sûr de pourvoir aligner quelques phrases sans exploser de nouveau, il se lança rapidement :
– Aldébaran vient de me contacter. Il a vu la même chose que nous. Pour lui, Shaka est amoureux !
– Hein ? fit élégamment un Scorpion ahuri, les yeux écarquillés.
– Oui oui, tu as bien entendu : Shaka serait amoureux.
Milo pencha la tête, craignant avoir mal compris, et, sceptique, marmonna :
– Mais de qui ?
Mü repartit dans un fou rire inextinguible devant la tête que faisait son comparse et lança de façon hachée :
– Oh ! Suffit de savoir… qui est encore… dans son temple ! L’heureux élu… est l’absent ! Si c’est un Gold… évidemment !
Milo fronça les sourcils et se concentra brièvement, allant de temple en temple pour chercher le cosmos de leur gardien… Et très vite, il aboutit à une évidence :
– Non ? ! Saga ?
Mü rétorqua, en reprenant peu à peu son calme :
– En tout cas, pas Kanon, puisque Shaka est parti dans la direction inverse !
Le Scorpion était en train d’imaginer ses deux collègues en train de batifoler et d’un seul coup, il éclata de rire à son tour.
– Impossible ! ! Sont tous les deux trop coincés ! ! ! Dans cent ans, ils en seront encore à l’approche ! !
Mü l’accompagna un bon moment, échangeant avec lui son point de vue sur la situation et sur sa possible évolution. Peu à peu, le calme revint et ils se retrouvèrent en train de deviser paisiblement, chacun bien installé sur un siège, se regardant et se souriant timidement, se sentant encore un peu idiots d’avoir paniqué pour si peu…
Une tornade brune traversa brusquement le salon à toute allure, sans laisser le temps à l’un des deux Golds de réagir et ils entendirent un tonitruant :
– J’emprunte ta salle de bains, Chevalier ! ! Dois me changer ! Merci ! !
Il y eut d’abord un blanc où aucun des deux ne bougea, comme pétrifié. Le temps semblait suspendu entre eux alors qu’un silence de plomb était tombé dans le salon. Puis, totalement effaré, le Bélier se leva enfin et bafouilla :
– Quoi… ? Mais… Mais… Vous êtes qui d’abord ? ? ?
Il n’obtint aucune réponse : la tornade squattait bel et bien sa salle de bains en grondant contre ces " fichus frusques " qui la retardaient alors que ce n’était vraiment pas le moment. Le Scorpion bondit sur ses pieds, en alerte, alors que des guerriers en armes pénétraient à leur tour dans le salon. Il s’exclama, décidé à leur fondre dessus à la moindre provocation :
– Par Athéna ! ! Mais c’est une véritable invasion, ça ! ! Qui êtes-vous, à la fin ? D’où sortez-vous ? ?
Mü se mit également en garde, paré à toute éventualité, surtout que les accompagnateurs de la tornade n’avaient pas un air des plus pacifiques avec leur arc à flèche encochée. Le chef des guerriers, prit la parole :
– Protéger la personnalité de notre Sanctuaire, tel est notre rôle.
Milo pencha la tête sur le côté, regardant le zigoto empaqueté dans sa toge blanche, se demandant visiblement si l’autre était sérieux ou non… Ah si, il avait l’air sérieux… Très sérieux, même…
– Ça, je m’en doute, mais… ce que je veux savoir, c’est ce que vous êtes venus fabriquer ici, sans prévenir…
Mü observait attentivement les nouveaux venus, dubitatifs, et prudemment, prit la parole à son tour :
– Qui êtes-vous ? Comment cela se fait-il que vous soyez parvenus à pénétrer au sein du Sanctuaire d’Athéna ? Et pourquoi ne sent-on pas votre cosmos ?
L’Archer garda le silence, arborant un masque totalement impassible. Ses yeux fixaient le couloir où avait disparu la tornade, attendant patiemment son retour. Agacé par ce manque de coopération, Mü sentit la moutarde lui monter au nez :
– Répondez immédiatement ou vous allez le regretter. Ma patience a des limites.
Il n’y eut aucune réaction de la part de l’ostrogoth en toge… Rien… Le néant absolu… Mü inspira profondément avant de lui sauter à la gorge pour de bon. Son regard se durcit et son cosmos s’embrasa doucement, en guise d’avertissement… aussitôt suivi par celui, encore bien instable, du Scorpion qui se porta à ses côtés pour l’épauler.
– Cela ne sert à rien de vous énerver pour si peu, Saints d’Athéna. Détendez-vous tous les deux, fit une voix assurée derrière eux. Bélier d’Or, tu accomplis ton rôle à ta perfection, mais je ne suis pas un adversaire d’Athéna. Scorpion d’Or, ton courage est admirable, mais ne t’épuise pas en vain.
Les deux Golds se tournèrent vers la voix impérieuse qui venait de s’exprimer et ne surent que répondre, interloqués. S’ils s’étaient attendus à ça ! ! Devant eux, imperturbable, l’individu se tenait très droit, dans une pose altière, vêtu d’un peplos écru, alors qu’un magnifique brassard d’or étincelait à son avant-bras et que sur l’autre se trouvait un tatouage à l’ondoyante forme serpentine. Aussitôt, le chef des Archers se porta à sa hauteur, inclinant la tête respectueusement, et tendit sa main pour guider l’importante personnalité, dont les Golds commençaient seulement à ressentir le doux et discret rayonnement…
Mü sentit un frisson lui dévaler la colonne vertébrale : sa tornade était dotée d’une puissance inhumaine, il le sentait instinctivement… Serait-ce une divinité ? Il était fortement enclin à le penser, surtout avec la beauté sauvage et atypique de ses traits, la sagesse qui se lisait dans son regard à peine soutenable et l’assurance dont elle faisait preuve… Mais qui ? ? Quelle divinité ? ? Et pourquoi se manifestait-elle aujourd’hui ? ?
– Bélier d’Or, il est temps pour moi de me mettre en route. Escorte-moi jusqu’au Grand-Palais. On m’y attend.
L’Archer protesta aussitôt :
– Votre Altesse, nous ne pouvons vous laisser… C’est imprudent !
L’Altesse secoua la tête d’un air impatient et passa son garde sans même y prêter attention, sortant du salon et se dirigeant vers la sortie du temple aussitôt. Elle marqua un temps d’arrêt et se retourna, un léger sourire au bord des lèvres :
– Vous venez, Bélier d’Or ? Il faut que je sois très vite là-haut. Il y a un certain dieu marin qui ennuie la sage Athéna, je n’ai plus de temps à perdre.
Pris dans la tourmente des événements, Mü fit signe à Milo de surveiller l’escorte qui resterait au pied du Zodiaque, pendant que lui-même s’acquittait de son devoir, malgré lui, montrant le chemin à la divinité, qui le suivit aussitôt, remontant délicatement le tissu précieux qui frôlait les marches de marbre.
Tendu, Milo prit sa tâche au sérieux, ne quittant pas des yeux les intrus, les veillant comme s’ils étaient des ennemis. L’Altesse avait eu beau dire, il ne lui faisait pas confiance. Son instinct d’assassin lui soufflait de se méfier. Entrer aussi facilement dans le Domaine Sacré était anormal et tout lui indiquait que quelque chose de grave était en train de se tramer… Mais quoi, au juste ? Athéna, Poséidon et enfin, cette dernière personne à la puissance latente incroyable… Milo serra les dents. Il avait ce même mauvais pressentiment qu’au moment où ils avaient tous été convoqués à cette terrible réunion, à la fin de laquelle, ils avaient appris la traîtrise de Camus… Et il n’aimait pas du tout ça. Quelle catastrophe allait encore leur tomber dessus ? ?
Pourquoi es-tu là ? se demanda-t-il mentalement tout en regardant disparaître derrière la paroi rocheuse la fine silhouette à la chevelure brune couronnée de laurier d’or.
(1) L’égide : Il s’agit de la cuirasse (ou du bouclier, selon certaines légendes) que Zeus aurait prêté à Athéna. L’égide est constituée de la peau de la chèvre Amalthée, qui aurait été la nourrice de Zeus. Plus tard, on lui ajouta la tête de la Méduse. Elle avait le pouvoir d’effrayer les ennemis et de les repousser.
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