Citizen Lie | By : Lakesis Category: French > Originals Views: 1155 -:- Recommendations : 0 -:- Currently Reading : 0 |
Disclaimer: This is a work of fiction. Any resemblance of characters to actual persons, living or dead, is purely coincidental. The Author holds exclusive rights to this work. Unauthorized duplication is prohibited. |
Titre : Citizen lie
Auteur : Lakesis
Note : Alala, au
secours� Ca vole pas haut, le niveau est vraiment vraiment bas� Mais �a me
trottait dans la t�te. Bonjour, les clich�s mais bon�
CITIZEN LIE
Des coups sur la porte de ma chambre et une voix
m�ordonn�rent de baisser le son de ma cha�ne hi-fi, dont les basses hurlaient �
la mort, embuant tout l�immeuble du son de mon groupe de rap. J�avais pr�par�
la cassette, arranger tout ce qui devait �tre arrang�. Steve, mon meilleur ami,
avait �crit les paroles, en cours, comme d�habitude. Quand nous y allions.
L��cole, ce n��tait pas notre truc, pourtant, je ne pouvais pas dire que je ne
m�y int�ressais pas. C�est juste que� je faisais comme tout le monde, quand ma
bande pr�f�rait s�cher, j�allais avec eux. On tra�nait dans la cit�, on faisait
nos vies, on matait comme on pouvait. Parfois, les flics passaient, mais �a
nous passait au-dessus, les contr�les d�identit�, on connaissait, on faisait
avec, m�me si �a nous courrait royalement sur les nerfs.
Je venais du bled, d�un trou paum� pr�s d�Alger, une
bonne partie de ma famille vivait encore l�-bas d�ailleurs. J�y �tais retourn�
pendant les vacances d��t�. Je me suis bien marr� avec les cousins, les
cousines et tout �a. Les conneries qu�on a pu faire� A dix-sept, je redoublais
ma terminale, au d�sespoir de ma m�re, mais bon� Mon p�re, lui, disait juste
que je deviendrais ouvrier comme lui. Moi, je voulais devenir rappeur, j��tais
certain d�y arriver. J�aurais tout ce dont je r�vais, des voitures, de
l�argent, des femmes. Plein de femmes.
� -Momo, bordel, tu vas le baisser, le
son ! �
Mon grand fr�re, Yasir, s�y mettait � son tour, tout
�a parce que monsieur avait besoin de calme pour travailler ses partiels. La
fiert� de la famille� Il avait �t� accept� � Sciences Po, mais il n�avait pas �
se vanter, il passait sa vie � bosser. Il avait une copine depuis trois ans et
ils allaient se marier dans quelques mois, j�avais �t� choisi pour �tre le
t�moin et le parrain de leur premier enfant. Mon p�re �tait � la mosqu�e en ce
moment, et moi je glandais all�grement en jouant � la playstation. Ma m�re se d�courageait
de moi et me martelait de prendre exemple sur Yasir et Fatima, ma s�ur, qui
allait passer sa licence d�histoire cette ann�e et qui carburait avec une
moyenne de quatorze. Onze points de plus que moi�
Mes professeurs me r�p�taient que je n��tais qu�un bon
� rien et je l�entendais en �cho aussi � la maison, alors j�avais fini par le
croire.
� -Momo, y�a Steve qui est l� ! hurla
Fatima, avant de passer sa t�te dans l�entreb�illement de la porte.
-Dis-lui de venir, lui r�pondis-je, en �teignant mon
bazar. �
J�ai mis pause sur ma partie de PES et Steve est
entr�, puis m�a salu�, comme d�habitude. Notre signe de ralliement, le poing
serr�, que l�on frappait contre celui de l�autre. Pas tr�s original, mais bon�
� -Momo, qu�est-ce que tu fous ? On t�attend
en bas !
-Vous allez o� ?
-Faire un tour � Paname, draguer de la meuf. Tu
t�am�nes ?
-Ouais, t�inqui�te. Je pr�viens ma daronne et on y
va. �
J�ai enregistr� consciencieusement puis j�ai ouvert
mon placard, dans un coin de ma chambre, o� tr�nait cd, jeux vid�os, magazines,
puis mes cours ou ce qu�il en restait.
� -Fais pas ta tapette, Mohamed, t�es pas une
gonzesse.
-Tu permets, je veux �tre styl�, tu crois que tu choppes
avec du vinaigre ou quoi ? �
Je me suis install� dans le miroir, qui me renvoya
l�image d�un jeune homme, les cheveux un peu trop longs, au teint mat, aux yeux
noirs. Je me jugeais pas mal, j�avais de bonnes raisons de le croire. J�ai
enfil� un jeans, jetant mon Lacoste en boule sur mon lit d�fait puis j�ai pass�
une veste, mis mes chaussures et j�ai suivi Steve, apr�s avoir dit � ma m�re
que je n�allais pas rentrer t�t et qu�elle n�avait pas besoin de m�attendre. Je
l�ai entendue se demander ce qu�elle allait faire de moi mais j�ai souri, et je
l�ai laiss�e causer, comme d�habitude. En bas, il y avait S�bastien, Nasser, et
Benjamin.
Steve, que je consid�rais comme mon deuxi�me fr�re,
�tait originaire du S�n�gal. Une vraie masse, adorable. Il fallait mieux le
compter parmi ses amis que le contraire. Seb �tait venu habit� � Bobigny il y a
quatre ans, on allait en cours ensemble. Quant � Nasser, c��tait un peu le
chef, on n�osait pas franchement le contredire, il connaissait plein de monde,
ce type, il savait tout avant quiconque. Dans la cit�, on savait tous qui il
�tait, il se d�merdait dans pas mal de petits trafics, ce n��tait pas bien
m�chant, puis, il valait mieux �a que de dealer aupr�s des gosses de douze ans,
ou de s�en servir pour faire passer toutes les saloperies qui pouvaient
exister. J�avais trouv� de bon ton d�essayer de me fumer un joint, un jour, et
�a a suffi � me vacciner, j�avais �t� malade toute la journ�e d�apr�s. Ce truc,
�a tuait la t�te, mais mes potes s��taient foutus de moi. Et pour finir, Ben,
un copain de Nasser devenu le n�tre. Il avait vingt ans, inscrit � l�ANPE, mais
toujours refoul�. Il �tait all� � la fac, mais il avait arr�t� au bout de deux
ans.
Il en avait marre, il nous le r�p�tait mais il n�avait
jamais un mot de trop. J�avais vraiment du mal � le cerner, ce gars, il
affichait un calme presque iconoclaste alors qu�autour de nous, tout partait de
travers. Parfois, j�avais l�impression qu�il ne se rendait pas compte de ce qui
nous arrivait, il vivait sa vie de ch�meur, il bossait parfois � Mc do, mais il
l�chait vite l�affaire et continuait de passer ses journ�es sur Internet, de
venir squatter jusqu�� deux ou trois heures du matin en bas de l�immeuble avec
nous, de se retrouver dans des gal�res pas possibles, o� il �tait m�l� parfois
bien malgr� lui, je crois. Il y a quatre semaines, on s��tait fait embarqu� et
on avait pass� la nuit au poste, apr�s qu�on se soit battu contre une autre
bande. Ils avaient insult� la s�ur de Nasser et �a n�a pas tra�n�, on a engag�
les hostilit�s sans attendre. Les s�urs, c�est comme les m�res, c�est sacr�, si
on y touche, on se prend un poing dans la gueule sans pr�venir. Apr�s la garde
� vue, mon p�re est revenu me chercher et je m�en suis tir� avec un rappel � la
loi. La punition, je l�ai re�ue quand je suis rentr� et mon vieux m�a fait
pass� un sale quart d�heure.
Je suis mont� derri�re, avec S�bastien et Steve et
Nasser a pris le volant de la R21, tun�e du coffre jusqu�aux roues. La radio a
d�gueul� la musique et Nasser a fait un demi-tour, dans un gros bruit de
crissement de pneus. Les fen�tres ouvertes, on parlait bruyamment, on se
foutait de la gueule des personnes qu�on croisait. On vivait, quoi. Un jour, je
m��tais dit que j�avais de la chance d��tre n� homme dans ma cit�, quand je
voyais comment Nasser traitait quelques fois les filles, comme le faisaient
aussi certains autres de mes amis ou connaissances d�ailleurs. Je n�aurais
jamais pu support� qu�un mec traite Fatima de cette fa�on, je lui aurais
d�fonc� la gueule si je l�avais appris. Je ne pouvais m�me pas compter sur
Yasir, ce con �tait plus pr�occup� par ses �tudes que le bonheur de sa s�ur. Il
me tuait. Dans la famille, on �tait croyants, mais pas int�gristes non plus, je
pense qu�on �tait normal. Je ne pratiquais pas, parce que �a me gonflait mais
mon p�re par contre, faisait sa pri�re tous les soirs. Il n�obligeait pas ses
enfants � se plier � la m�me voie que lui et Fatima ne portait pas le voile,
elle n��tait pas contrainte non plus � se trouver un petit ami musulman, m�me
si c�est s�r que �a lui aurait fait plaisir, au vieux.
� -T�as vu la fille qui marche, l� ? Tain,
elle est pas mal. Si elle a des copines � ramener, je suis pas contre, l�cha
Seb, avec un regard appr�ciateur.
-Laisse b�t, gar�on, r�pliqua Nasser, t�auras le temps
de trouver en bo�te. �
J�avais d�j� eu des petites copines, normal, j�avais
dix-sept ans quand m�me, je connaissais la vie, je savais comment �a marchait.
Mais j��tais c�libataire depuis trois mois et �a commen�ait � me prendre la
t�te. Un coup d�un soir, je ne disais pas non non plus. J�attendais la soir�e
et son d�roulement pour me d�cider. On a mang� dans un fast-food, on a gland�
un peu puis � minuit, on s�est ramen� devant le videur. On est rentr�, sans
trop de probl�me, on �tait clean, propre sur nous.
Benjamin se l�a jou� en solo, comme d�habitude, il a
pris un cocktail au bar puis il s�est isol� sur une banquette. J�ai balanc� ma
piti� au loin et j�ai rep�r� une fille, l�-bas, qui me jetait de petits coups
d�oeils qui faisaient semblants d��tre discrets, mais qui n�en avaient que le
nom. Je ne lui ai m�me pas demand�e comme elle s�appelait, je lui ai pay�e un
verre, je l�ai embrass�e, j�ai pass� deux heures � la chauffer, mais quelque
chose me g�nait, Benjamin s�y int�ressait aussi, apparemment. Il la connaissait
d�j� peut-�tre et j�avais ma fiert� d�hommes, je ne marchais pas sur les
plates-bandes des potes. J�ai pris son num�ro et j�ai command� un truc � boire,
j�avais la gorge s�che. Puis je me suis assis pr�s de Benjamin, qui m�a lanc�
un regard surpris.
� -Ben, elle est partie o� ?
-Oh rien, c�est pas grave. Tu la connais ?
-Non, pourquoi ?
-T�as pas arr�t� de la mater. Tu sais comment je suis,
je ne prends pas ce qui ne m�appartient pas.
-T�es cool, comme gars.
-Ouais. Il est o� Nasser ?
-Devine.
-Je vois. �
Le Nasser en question dansait � corps perdu sur la
piste avec une belle femme, plus �g�e sans doute, une vraie bombe sexuelle.
Toujours pour les m�mes. Benjamin jouait avec le m�langeur rouge, faisant
tinter les gla�ons entre eux et j�ai consult� mon portable. D�j� quatre heures
du matin et un seul num�ro de portable. Maigre prise.
� -T�as trouv� du travail, Ben ? �
Je demandais �a juste pour ne pas qu�il y ait de
silence entre nous et il m�a r�pondu que non simplement. J�ai manqu� de lui
r�pliquer qu�il ne cherchait pas mais je me suis retenu, �a ne servait � rien.
Ca n�allait pas l�aider et je ne voulais pas me f�cher avec lui pour une
connerie pareille. J�ai essay� d�apercevoir Steve et Seb mais je n�ai distingu�
que leurs t�tes, mouvantes, ils s��clataient. Et moi comme un abruti, je
prenais racine sur ce canap� en ska�, avec un mec aussi muet qu�une tombe, avec
une t�te de d�pressif. En y r�fl�chissant bien, je ne le voyais pas sourire
souvent, il �tait un peu triste, Benjamin. Il l�est toujours d�ailleurs, mais
un peu moins.
Il �tait blanc comme un cachet d�aspirine, les yeux
bleus, les cheveux blonds, aussi maigre qu�un fil de fer. Si je levais la main
sur lui, m�me du haut de mon m�tre soixante-treize, j�avais presque l�assurance
de le casser en deux. Mais jamais je n�ai eu l�envie de lui cogner dessus. On
l�aimait tous bien, Benjamin.
A six heures, � la fermeture, on est reparti, avec Steve
� moiti� bourr�, soutenu par S�bastien, qui l�insultait all�grement. Bah, les
insultes, chez nous, �a n�avait souvent pas grand sens. Ca d�pendait de la
mani�re dont elles �taient lanc�es. Comme � l�aller, on a pris les m�mes
places, Nasser en ma�tre de c�r�monie. Quand il avait un peu bu, il �tait
encore moins prudent qu�� jeun et je bouclais ma ceinture, avec grand soin.
Et soudain, il mit un �norme coup de frein, qui
s�attira les protestations molles de Steve, qui se frotta le haut du cr�ne,
apr�s avoir retir� son bonnet.
� -Vous avez pas envie de casser de la fiotte,
les mecs ?
-Qu�est-ce que tu racontes, Nasser ?
-L�-bas. Tu les vois, les deux p�dales ? �
Instinctivement, j�ai regard� comme les autres et j�ai
vu deux types, qui marchaient l�un � c�t� de l�autre. A la maison, le mot
homosexuel n��tait jamais prononc� et si mon p�re �tait tol�rant, il avait �t�
clair l�-dessus. Les gays br�laient dans l�enfer et si un de ses enfants
commettaient ce p�cher qui impliquait la honte, il n�aurait pas h�siter � tuer
de ses propres mains les fruits de sa chair. Moi, je n�avais pas d�opinion,
enfin si, j�avais celle des autres, j�allais leur d�foncer la tronche, avec
toute la joie et la bonne humeur que cela m�inspirait.
Nasser s�est gar� anarchiquement, montant sur le
trottoir, et est sorti, l�air mauvais. Il s�est approch� d�eux et a commenc� �
bousculer l�un des types, l�insultant, le faisant ployer sous une kyrielle
d�injures. Je suis descendu � mon tour et je me suis joint � eux, apr�s tout,
c��tait la meilleure chose � faire. Avec du recul, j�ai honte de moi, mais
c��tait �a et je n�avais strictement rien � me reprocher. Pas comme ces
pervers. Quand Nasser a lev� la main pour frapper l�un d�entre eux, l�autre
s�est interpos� et a pris le poing de mon pote en pleine tronche, il lui a
carr�ment p�t� le nez. Il saignait abondamment, et tremblant, il a tent�
d�arr�ter le sang mais il n�a pas pu �viter l�autre coup, qui l�a propuls�
contre le mur. La violence m�excitait, j�ai voulu frapper aussi mais je n�ai
jamais trouv� le courage de regarder l�autre mec dans les yeux et de le d�foncer
de mes propres poings. D�ailleurs, personne ne l�a touch� celui-l�, ils se sont
acharn�s sur l�autre, ils l�ont mis terre, ils l�ont martel� de leurs pieds et
je ne faisais rien. J��tais juste hypnotis�. Et soudain, les flics se sont
point�s, plus loin et on n�a pas eu d�autre choix que de courir, bordel, on
allait pas se faire arr�ter pour deux putains de p�d�s qui ne m�ritaient m�me
pas de vivre.
En d�talant comme un l�che, je me suis demand� comment
son copain avait pu pr�venir les keufs, mais j��tais plut�t pr�occup� par la
t�te que mon p�re allait faire si je me faisais encore embarquer et cette
fois-ci, pour autre chose que du tapage nocturne. J�avais au moins pris mes
papiers, ils n��taient pas dans la voiture mais Nasser �tait vraiment mal
barr�. Je me suis retrouv� dans un tas de ruelles, qui se ressemblaient toutes,
il y avait des pas derri�re moi et une main m�ait tomb� sur l��paule, j�ai
sursaut� et j�ai donn� un coup dans le vide.
� -Momo, qu�est-ce que tu fous, merde ?
-Ben� Putain, mais �a va pas ou quoi ? Faut qu�on
continue, il y a les flics, je veux pas aller en taule !
-On a sem� la police, c�est bon. Par contre, je crois
que Nasser n�a pas eu le temps de se barrer. Les deux autres, je sais pas o�
ils sont.
-Putain, mon p�re va me tuer.
-Ils ont rien contre nous. �
J�ai regard� Benjamin dans la lumi�re du r�verb�re
sale et je me suis appuy� contre le mur, puis je me suis laiss� couler le long
des briques, m�asseyant par terre, la t�te entre les mains. Benjamin s�est
assis � c�t� de moi et il a sorti son paquet de cigarettes. On �tait � deux
doigts de se pisser dessus et j�ai crach�, hargneux :
� -Mais merde, qui est-ce qui a pr�venu les
flics ? J�ai pas vu ces putains de tapettes le faire�
-T�as raison� Ils n�ont rien fait�
-On n�a vraiment pas eu de chance.
-Ils n�ont rien fait parce que c�est moi qui les ai
appel�s.
-Quoi ?! �
Il nous avait condamn�s, comment avait-il pu nous
faire �a, � nous ses amis ? Pourquoi avait-il os� aider ces hommes qui ne
m�ritaient m�me pas de vivre, pourquoi avait-il pris ce risque-l�, de nous
mettre prison pour quelques mois, voir quelques ann�es pour certains. Je me
suis redress�, difficilement, et j�ai presque hurl� :
� -Mais t�es con ou quoi ? Qu�est-ce que �a
pouvait te foutre, que ces deux types cr�vent ?
-Ce sont des humains, Momo. Ils ont une vie, des
parents, des amis. Ok, ils sont homos, mais je ne pense pas comme vous, moi. Je suis pas extr�miste, j�ai foi en l��galit� face � tout.
-Attends, �a veut dire quoi �a ? On n�est pas des
extr�mistes, on a juste du bon sens. Et le bon sens, c�est qu�un homme �a va
avec une femme. Comment tu crois qu�on fait des enfants, hein ? C�est �a,
l�essence m�me de la vie. Avoir une famille, des enfants, une maison, une
femme� C�est pas moi qui le dis, c�est dieu.
-Ah, et apr�s tu oses me dire que tu ne fais pas dans
l�extr�misme ! Tu fais comme ces gens il y a soixante ans, qui ont envoy�
des personnes innocentes crever dans des chambres � gaz. Tu te crois mieux,
Mohamed ? Parce que tu rapes, tu fous rien en cours, tu couches � droite �
gauche avec des filles que tu traites de putes apr�s, sous couvert de ta
religion. Tu es bien content de les trouver, quand tu veux tirer un coup. Tous
des hypocrites. Au moins, les gars que vous avez tabass�s, ils ne se voilaient
pas la face.
-Tu prends leur d�fense ou quoi ? Tu es une
p�dale toi aussi ? �
Je voulais faire mal et j��tais s�r qu�il allait le
prendre mal mais Benjamin a souri bizarrement et il s�est redress�, avec
lenteur. Il a �cras� son m�got au sol, il a souffl� la fum�e et il est reparti
sans un mot de plus. J�ai continu� � vocif�rer :
� -C�est �a, barre-toi, connard ! Tu perds
rien pour attendre, de toute fa�on ! Tu vas crever toi aussi, sale
tra�tre ! �
Mais il �tait d�j� loin et le silence de la nuit qui
s��vanouissant vint me cueillir, doucement. Le jour n�allait plus tarder � se
lever, on �tait encore fin septembre et il faisait bon .Et sans raison, je me
suis mis � pleurer, comme un idiot, en solitaire. Je ne savais m�me plus
pourquoi mais j�avais besoin d��vacuer, de me l�cher, parce qu�� la maison, je
n�avais pas le droit. Il fallait que je restais digne, m�me quand tout foutait
le camp, quand je flinguais mon avenir, quand je me condamnais, stupidement. Je
souhaitais r�ussir plus que tout, mais je r�vais trop, je ne faisais que �a.
Je r�ve encore, c�est s�r, mais cette fois-ci, j�ai le
droit de le faire.
Une fois calm�, je me suis tra�n� lamentablement
jusqu�� la station de m�tro la plus proche, quand je suis arriv�, il �tait d�j�
ouvert depuis bien longtemps. Pareil � un zombie, je me suis install� dans un
coin du wagon vide et j�ai pris une correspondance RER. La cit�, �trangement
calme, sembla m�accueillir, me reprenant dans ses bras protecteurs, de cette
m�re qui nous voyait grandir, partir parfois du mauvais c�t� de la barri�re,
sans rien pouvoir faire, juste nous accompagn�s, peu importe nos choix. Mais au
pied de la tour, il y avait mes parents, ceux de Nasser, et du reste. S�bastien
visiblement avait pu rentrer. J�ai eu droit � une belle racl�e, ma m�re
reprenait sa m�lop�e, elle me demandait ce qu�elle avait fait pour avoir un
fils aussi ingrat et mon p�re invoquait dieu et son ch�timent pour ce manque de
respect. D�un c�t�, je n�avais pas trop peur, je n�avais pas touch� � ces
types, mais je ne les avais pas aid�s non plus. Ma seule garantie �tait le
silence de Nasser et de Steve. J�avais confiance mais dans une situation comme
celle-ci, qui n�avais-je pas � craindre. Benjamin en �tait une belle preuve.
Mon p�re m�a tra�n� en haut, en vocif�rant toujours autant, r�veillant
l�immeuble entier et il m�a jet� dans ma chambre, en m�interdisant d�en sortir.
Je me suis ru� sur mon lit, apr�s m��tre d�shabill�. Je voulais me venger, je
ne pensais qu�� �a.
Deux jours plus tard, j�ai appris que Nasser et Steve
allaient pass� en jugement. Ils ne nous avaient pas d�nonc�s. Eux au moins
�taient de vrais amis. J�avais eu S�bastien au t�l�phone et il m�apprit qu�on n�avait
plus de nouvelles de Benjamin. Je faillis en l�cher la raison mais je me suis
retenu. Je songeais � ce qu�il m�avait lanc� au visage, tous ces trucs bizarres
sur la religion et tout �a. Il avait tort bien s�r, mais il m�avait fait douter
de plusieurs choses, surtout en me comparant � des fascistes immondes. Je
n�ob�issais pas � une id�ologie pr�cise mais � la volont� de dieu.
Au bout d�une semaine, mon p�re me reparla enfin et ma
vie reprenait son cours. Sans Nasser, je me sentais perdu, comme un chien sans
son ma�tre et ne plus voir les m�mes t�tes que d�habitude me perturbaient. Je
tra�nais parfois du c�t� de chez Benjamin, dans l�espoir de le trouver et de
lui expliquer ma fa�on de penser. Mais il avait vraiment d�sert� la cit�. Je ne
pensais pas qu�il �tait aussi simple d�en sortir. Y entrer, tout le monde ou
presque pouvait le faire, mais s�en arracher�
Je n�eus besoin que d�un coup de pouce du destin. A
force de provoquer ce dernier, je le repoussais sans en prendre conscience et
je d�cidais de me laisser porter, tout simplement. Clo�trer dans ma chambre,
j�ai recommenc� � travailler un peu. Au d�but, �a n�a pas �t� facile du tout,
j�avais tout autour de moi qui me tentait. Ma console de jeu, ma musique � la
s�paration fut atroce mais sans mes amis, je ne valais pas un clou � la
t�l�vision. Juste moi-m�me et mon futur.
C�est dur de regarder en face un avenir que l�on croit
conna�tre d�avance. Et c�est dur aussi de le changer, c�est ce que j�ai appris.
Yasir s��tait mis martel en t�te, il avait d�cid� de m�aider � rattraper tout
mon retard et pour No�l, ma moyenne au d�part catastrophique avait repris des
couleurs. Mon p�re ne me parlait plus des incidents de septembre, il �tait fier
� pr�sent de son fiston et on parlait ensemble du prochain voyage que l�on
ferait en Alg�rie, au mois de juillet prochain. Pour �a, il fallait que j�aie
mon bac, absolument, et puis, je serais aussi majeur, j�aurais tout acquis.
Je sortais avec une fille depuis un mois maintenant,
je l�aimais bien, on s�entendait bien. Elle ne vivait pas dans la cit�, on
n�appartenait pas au m�me monde mais cette id�e de toucher � quelque chose qui
d�habitude m��tait interdit m�excitait, j�avais l�impression de devenir encore
plus fort. J�avais eu des nouvelles de Nasser, il avait pris pour deux ans et Steve
pour un an avec sursis, assorti � des travaux d�int�r�t g�n�ral. J�avais
reconstruit difficilement mon r�seau d�amis, j�avais repris ma vie comme je
l�avais laiss�e.
Un soir, je revenais de chez Karine, ses parents
s��taient absent�s et j�avais pass� une sacr�e bonne soir�e. Je m�arr�tais pour
allumer une cigarette, il faisait froid et j�enfon�ais un peu plus mon bonnet
sur ma t�te. Puis c�est l� que je l�ai bouscul�. J�aurais pu avoir du mal � le
reconna�tre mais j�avais une m�moire � toute �preuve, je n�oubliais pas les
visages, surtout ceux qui m�avaient fait du tort. Et Benjamin restait l�,
plant� devant moi, les bras ballants. Il avait chang�, il ne ressemblait plus
au gamin que des v�tements trop larges faisaient appara�tre, avec les cheveux
en bataille, mal coiff�s. Mais sur le coup, je crois que j�ai pr�f�r� de loin
son ancienne image.
D�abord, il avait semblant de ne pas m�avoir vu puis
il est pass� � c�t� de moi, mais j�ai fait volte-face, d�un seul coup pour le
rattraper par le poignet, crachouillant :
� -On dit plus bonjour � ses vieux potes. C�est
s�r qu�� apr�s une trahison�
-Casse-toi, Momo.
-Comment tu me parles, l�, je le crois pas. �
Il tirait et tirait sur son bras pour se lib�rer mais
je n�allais pas c�der comme �a et j�ai continu�, agressif :
� -Par ta faute, Nasser et Steve sont en taule.
Moi aussi j�aurais pu y �tre. Tu crois que je vais te laisser t�en tirer comme
�a. �
Ami un jour, ennemi l�autre. J�avais envie de le
frapper, de lui montrer qu�on ne pouvait pas se moquer de nous impun�ment, et
je l�ai tap�. Ce que je n�avais pas pr�vu, c�est qu�il me r�ponde et il m�a
catapult� son poing dans la figure. Je suis tomb� sur le trottoir avec une insulte qui ne pr�sageait rien de bon et
il est rest� debout devant moi, patientant pour la r�plique qui n�allait pas
tarder. Je me suis redress� lentement, j�ai enfonc� mes ongles dans la paume de
ma main puis j�ai fouill� dans ma poche. Qu�il fasse le malin, �a n�allait pas
durer bien longtemps. J�avais subtilis� le couteau � grand d�arr�t de mon p�re
et face � la lame qui le mena�ait, Benjamin se retrouvait d�sempar�. J��tais
fou, fou furieux, fou de haine, et l�arme voletait trop pr�s de son visage. A
force d�esquiver, il a tr�buch� sur un bout de verre et a chut� lourdement sur
le sol. Je me suis pr�cipit� sur lui, j�ai serr� mes doigts autour de sa gorge,
et il a continu� de me provoquer, d�lib�r�ment :
� -Vas-y, cr�ve-moi. Ouais, �a te ferait aussi un
p�d� � ton actif. Allez, pourquoi t�h�sites ? T�as peur ? Vas-y, de
toute fa�on, si ce n�est pas toi, �a sera autre chose ! �
Je br�lais de l��ventrer, de lui faire mal mais ma
poigne faiblissait, je n�arrivais pas � le faire taire, � blesser un de mes
anciens amis. Je n��tais pas fort comme Nasser, si d�termin� comme Steve,
j��tais veule, comme moi. Je l�ai repouss� et il s�est tourn� sur le c�t�, ses
doigts massant sa gorge. J�ai recul�, tout doucement, j�ai rang� mon arme, puis
j�ai pens� � ce qu�il m�avait dit. C�est pour �a qu�il avait voulu aider ces
deux gars, il s��tait dit qu�il aurait pu �tre � leur place. D�ailleurs, il
aurait d� y �tre, mais � pr�sent, tout ce que je pouvais dire ne rimait plus �
rien. Il a remis sa veste, il a titub� puis il a disparu au coin de la rue.
Comment avais-je pu �tre ami avec �a, comment ne m�en �tais-je pas aper�u plus
t�t ? Mais je l�ai suivi, discr�tement, il n�habitait pas de l�endroit o�
on se trouvait et il est rentr� dans un hall d�immeuble, dont la porte s�est
referm�e avec un bruit lent, de mort.
Je suis rentr�, aussi hagard qu�il y a quatre mois.
J��tais en vacances de No�l. L�appartement paraissait d�sert, tout le monde
dormait et je me suis gliss� dans mon lit mais je n�ai pas pu dormir. Tout chez
moi s��branlait, je ne comprenais plus, je ne voulais plus comprendre. Pourquoi
quand j��tais avec Karine, je n�arrivais � me dire qu�elle �tait jolie, qu�elle
me rendait heureux ? Peut-�tre parce que ce n��tait pas la bonne, mais
alors toutes les autres, toutes celles d�avant ?
Je serrais la bo�te de chocolat que j�avais achet�e
dans un super march� sur le chemin. Je n�avais aucune imagination et je n�avais
strictement pas d�id�e sur ce qui pourrait lui faire plaisir. Alors, j�ai opt�
pour le classique, mais efficace. Le papier cadeau �tait moche, mais j�esp�rais
que �a allait passer. J�attendais depuis quarante-cinq minutes quand la porte
s�est ouverte sur une petite vieille, qui a enferm� son sac contre elle quand
elle m�a vu. Son sale cabot aboyait � s�en p�ter les poumons et poliment, avec
le sourire, je lui ai dit :
� -Bonjour, madame. Excusez-moi, je voudrais
venir voir un de mes amis. �
La vieille s�est �cart�e, par peur, et je suis rentr�,
apr�s avoir jet� un coup d��il aux bo�tes � lettres. Troisi�me �tage, pas
d�ascenseur. J�ai mont� les marches avec lenteur, la gorge serr�e et une petite
voix me soufflant que je faisais quelque chose que j�allais regretter mais une
fois arriv�, je n�ai pas fui, j�ai frapp� et j�ai attendu, certainement comme
un idiot. On vint enfin m�ouvrir et Benjamin apparut. Son visage se ferma
aussit�t, ses sourcils se fronc�rent et sa bouche allait se d�former pour me
jeter une phrase d�sagr�able, mais je l�ai arr�t�, pr�cipitamment :
� -Je� Je suis venu pour� pour m�excuser.
-Ah ouais ? Tu es plut�t revenu me finir avec
tous tes amis de la cit�, non ? Faites �a vite, �a m�arrangerait. �
J�avais pris sur moi pour venir ici, d�pens� de
l�argent pour monsieur et tout ce qu�il trouvait � me r�pondre, c��tait des
conneries plus grosses que lui. Sur le coup, j�ai vraiment eu envie de faire ce
qu�il m�ordonnait, mais j��tais seul, et je me suis retenu, difficilement.
� -T�es bien un sale con ! J�arrive pas �
croire que j�aie perdu mon temps pour toi ! Tu�
-C�est bon, Momo, c�est bon. Je ne veux pas
d�histoire.
-Mais c�est toi qui as commenc�.
-Tu veux rentrer ? �
Benjamin passait du tout au rien, comme un �clair et
j�ai ob�i, je l�ai suivi dans le tout petit appartement o� il semblait vivre
seul. Dans le salon, tr�nait le canap�, qui lui servait aussi de lit, sans
doute, une t�l�vision pos�e sur une minuscule table basse, son ordinateur,
branch�e � une prise. J�apercevais la cuisine un peu plus loin et une autre
porte, certainement la salle de bain et les toilettes. Je me suis assis ou
plut�t vautr� sur le divan et la bo�te de chocolat que j�avais encore dans les
mains parut se rappeler � moi. Benjamin est revenu avec deux verres et une
bouteille de coca et comme un idiot, je lui ai tendu mon cadeau, qu�il a pris
avec un sourire. Il ne l�a pas ouvert tout de suite et il m�a dit :
� -C�est gentil d��tre venu, mais c�est juste
parce que tu te sens coupable.
-Exact� Mais il y avait de quoi. Et, euh�
-Oui ?
-Ce que tu m�as dit il y a une semaine, c��tait�
euh ?
-Vrai ? Bien s�r que oui, Mo. Pourquoi je
t�aurais menti ?
-Je ne sais pas� C�est bizarre.
-Ah� Ce n�est plus contre-nature maintenant ? �
Bien s�r que si, �a l��tait encore, mais je n�ai pas
trouv� le courage de le reprendre et j�ai bu mon coca � petites gorg�es.
Parfois, je fixais la bo�te dans son papier argent� de mauvais go�t, puis je
jetais un coup d��il autour de moi avant de retrouver les yeux de Benjamin et
pour faire la conversation, je demandais :
� -Tu vis seul ?
-Depuis deux mois, oui.
-Il y avait quelqu�un d�autre avant ?
-Oui.
-Et maintenant ? �
Il s�est content� de sourire mais il ne m�a pas
r�pondu et il a reprit :
� -Tu as fait ta bonne action, Momo. Tu n�as pas
besoin de rester plus longtemps.
-Mais, je�
-Retourne � ta vie, ne viens pas te
� pervertir � aupr�s d�une tapette, comme tu le dis si bien.
-Mais non, mais je� �
Il s�est lev�, c��tait la fin. Et cinq minutes plus
tard, j��tais de nouveau dehors, hagard, perturb�. Je me suis tra�n� sur le
chemin du retour, pour la premi�re fois de ma vie, je n�avais pas envie de
rentrer chez moi, au contraire. J�avais envie de courir, jusqu�� ce que mon
c�ur ne danse plus dans ma poitrine, qu�il s�essouffle et qu�il tombe en
morceaux. Tout me semblait futile, ma famille, juste des yeux sur des
photographies, des sourires, des rires dans le pass�. Du haut de dix-sept
ann�es que j�avais v�cu dans l�ombre du bonheur, je me retrouvais tiraill�.
Tiraill� entre un ami et mes convictions. Comment concilier les deux, admettre
qu�une personne qu�on appr�cie n�est pas comme on le croyait, comme on le
d�sirait. Je r�pugnais d�avoir un ami comme �a, mais Benjamin demeurait
Benjamin, un type discret que j�appr�ciais. Et aussi loin que remontais ma
m�moire, je n�avais d�abord jamais imagin� la vie autrement que par le mariage,
la famille, la normalit�. Etre homosexuel n��tait rien d�autre qu�une d�viance,
une maladie qu�il fallait soigner. On me l�avait r�p�t�, on me l�avait impr�gn�
dans le cerveau et ainsi coulait le temps.
J�ai ignor� ma m�re qui s�inqui�tait de me voir avec
une t�te pareille puis je n�ai pas d�n�. Je d�testais ce sentiment, pire que
tout, pire que la jalousie, pire que la col�re. J��tais coupable, aupr�s de
Benjamin, j��tais coupable aupr�s de mes parents et j��tais coupable aupr�s de
moi-m�me. Transform� en odieux menteur, je n�ai fait qu�affabul� depuis l��ge
de mes treize ans, j�ai jou� mon r�le. Si souvent r�p�t� et maintenant comme
une seconde peau, un masque qui serait devenu au fil des ann�es ma v�ritable
expression.
J��tais Momo, je venais d�Alg�rie, j��tais musulman,
j�aimais ma m�re, mon p�re, mon fr�re et ma s�ur, j��tais nul en cours, j�avais
plein d�amis, j��tais peureux, mais je n��tais pas gay. J�en avais envie de
vomir, je me d�go�tais et j�ai craqu�. Je me suis pr�cipit� vers les toilettes
et pench� au-dessus de la cuvette, j�ai recrach� ma r�pulsion, j�esp�rais voir
sortir tout ce que je rejetais. Ma m�re paniquait derri�re moi, elle a appel�
le m�decin et m�a ramen� dans ma chambre, me serrant dans ses bras. Elle
m��crasait contre sa poitrine, j�en avais du mal � respirer.
J�avais attrap� la cr�ve, voil� tout. A force de
rester � attendre dans le froid, j��tais tomb� malade. Clou� au lit pendant les
vacances, il n�y avait que moi pour faire �a. Et seul, accabl�, tout revenait
au galop, s�arrimait � mon esprit et continuait de me harceler. Depuis ce mois
o� une ridicule bagarre avait tout chang�. Qu�est-ce que j�avais � faire de �a,
qu�est-ce que �a pouvait me foutre de les voir en sang, � nous d�fier de leurs
yeux qui ne suppliaient pas mais qui nous accablaient ? J�aurais d� leur
cogner dessus moi aussi, je leur aurais rendus ce dont je ne voulais pas.
J�avais peur.
Trois jours plus tard, j��tais sur pied, op�rationnel.
Je retrouvais mes amis dans le square et on a discut� sur un banc. On en est
venu � parler de Nasser, les nouvelles circulaient vite. On discutaillait,
encore et encore, puis Fouad, mon voisin s�est exclam�, vindicatif :
� -Et tout �a � cause de p�d�s. On aurait d� le
remercier, le Nasser, mais non, on le fout en zonzon. Moi, j�aurais fait pareil
que lui, �a n�aurait pas tra�n�. Tu comprends toi, Momo, ce genre de
choses ? �
Je secouais la t�te mais je restais silencieux, je
tra�ais du bout d�une brindille de petits ronds dans la poussi�re et les
graviers. Ce fut en cet instant que j�ai eu envie d�aller voir encore une fois
Benjamin, pour sortir de ce climat de haine et de clivage. Je leur ai menti,
encore, je leur ai dit que je devais aller voir Karine et Fouad m�a chambr�,
mais ils m�ont laiss� partir. Je ne comprenais plus tr�s bien pourquoi on
s�acharnait sur eux, nous aussi, on �tait victime de discrimination, de
racisme, on le revendiquait, on manifestait contre, mais on faisait pareil. Je
crois que c�est l� que j�ai chang�, quand je me suis pos� cette question. On
n��tait pas tout comme �a, mais la cit� �tait un univers qui se voulait
masculin, qui appelait � l�effusion de la virilit�, on essayait d��tre plus
fort que l�autre, meilleur que lui.
En allant vers le RER, je passais devant les murs
d�une vieille usine, tagu�s. Il y volait de nombreux dessins, de toutes les
couleurs, des personnages, des mots, des signateurs, des insultes. Je songeais
que Benjamin en avait sans doute pris pour lui et les mains dans les poches, je
m��loignais.
Cette fois-ci, je n�eus pas � attendre bien longtemps,
car il rentrait chez lui quand j�arrivais et je me pr�cipitais � sa rencontre.
Il sursauta et s��cria :
� -Momo, tu m�as fait peur ! Qu�est-ce que
tu fais l� ?
-Euh, je passais�
-Ah ouais. Je pr�sume que tu veux monter.
-Pas de refus. �
Je grelottais et je ne fus pas f�ch� de trouver la
chaleur du petit radiateur qui br�lait contre un mur. Benjamin s�est assis en
tailleur, sur un coussin ray�, et il s�est �tonn� de me trouver ici.
� -C�est que� Je voulais savoir si le cadeau
t�avait plu� �
Il a souri et a hoch� la t�te puis il s�est pench�
pour attraper la bo�te de chocolats qu�il avait ouverte. Il m�a propos� de me
servir et j�ai m�chonn� le pav� pralin�. Je cherchais patiemment quelque chose
� dire et j�ai tendu la main pour prendre un cadre photo, pos� sur la table, o�
tr�nait aussi le t�l�phone. Je l�ai regard� puis j�ai murmur� :
� -Qui est-ce ? �
Sous un grand soleil, appuy�s � une rambarde en
pierre, derri�re laquelle s��tendaient une for�t puis une mer, je voyais
Benjamin, tout sourire, �l�gant, avec un jeune homme de son �ge, qui le tenait
dans ses bras. Ma question �tait stupide, �videmment, cela devait �tre son
copain, mais sur cette image, il �tait si diff�rent, si� Je n�aurais su
l�expliquer, mais il m�a repris la photo pour la remettre � sa place et il m�a
r�pondu :
� -C��tait mon petit ami, pendant notre voyage
dans le Sud.
-C��tait ?
-Il est mort il y a six mois. C�est pour �a que je vis
seul, maintenant.
-Oh, euh� Oh�
-T�excuses pas, cache juste ta joie�
-Mais arr�te ! Je n�ai pas dit que j��tais
heureux.
-Tu l�as pens�, c�est suffisant. �
Qu�est-ce que je pouvais faire pour ne pas qu�il
s�imagine de telles horreurs. C�est vrai, il y a encore six mois, c�est ce que
je me serais dit. Mais alors que je l�avais en face de moi, je n�arrivais pas �
l�affirmer. Et, alors que le sujet devait �tre sensible, j�ai demand� :
� -Comment il est mort ?
-Il avait le sida. Il est mort � vingt-quatre
ans. �
De temps en temps, j�avais entendu certaines
personnes, � la t�l�vision, dans ma cit�, dire que le sida �tait le mal que
dieu avait inflig� aux homosexuels et � la soci�t� ensuite pour la punir d�avoir
accept� l�inacceptable. Mes parents ne m�avaient jamais mis en garde contre
cette saloperie, ils pensaient s�rement que �a n�arrivait qu�aux autres et que
leur fils ne risquait rien. A l��cole, on en parlait parfois et je savais qu�il
fallait que je me prot�ge quelles que soient les circonstances. Puis, changeant
brusquement de sujet, j�ai continu� :
� -Est-ce que tu sais ce qui est arriv� aux deux
mecs que Nasser a tabass�s ?
-Je suis all� les voir � l�h�pital. Celui sur lequel
il s�est acharn� a eu le nez et l�arcade sourcili�re bris�s, mais �a aurait pu
�tre pire. L�autre, juste en �tat de choc. Je leur ai expliqu�s que c��tait moi
qui avais pr�venu la police.
-Merci pour eux.
-C�est s�r que s�ils avaient d� compter sur toi, ils
seraient morts.
-Je sais� J�y repense parfois, j�ai jamais couru aussi
vite de ma vie.
-Faire semblant d��tre courageux et dur, ce n�est pas
facile, hein, Momo. Moi, j�ai longtemps fait semblant que j��tais autre. C�est
compliqu�, puis un jour, tu d�cides d��tre toi-m�me. Ce jour-l�, c�est un des
plus beaux que j�ai v�cus. Pas le plus simple, c�est s�r. Mais mes parents
m�ont soutenu, contrairement � ce que je croyais. Ils aimaient bien Damien, ils
s�entendaient bien avec ses parents � lui.
-Pourquoi t�aimes les hommes ? �
Benjamin a �clat� de rire, d�un rire clair et franc,
et essuyant les petites larmes au coin de ses yeux, il s�est repris et m�a
r�pondu :
� -Eh bien, je ne sais pas ! C�est comme �a,
je suis n� ainsi, je ne vais pas me changer, m�me si j�ai essay�, j�avoue. C�est au fond de moi, je me sens
plus attir� par les hommes. Enfin, tu ne peux pas comprendre. �
J�ai piqu� du nez et j�ai secou� la t�te, dehors, il
faisait d�j� nuit.
� Qu�est-ce que tu deviens, Benjamin ?
-Je retourne � la fac, j�ai d�cid� de finir ma licence.
Faut que je fasse quelque chose de ma vie, l�ANPE, �a va bien deux minutes.
Mais avec Damien, j��tais tellement ailleurs.
-Vous �tiez ensemble depuis combien de temps ?
-Quatre ans et demi. Je savais qu�il avait le sida. Je
l�ai accept� comme �a, parce que je l�aimais, c�est tout. Tu ne peux pas
vraiment comprendre, parce que tes petites amies ne sont pas malades, elles
n�ont pas une �p�e de Damocl�s au-dessus de leurs t�tes. C�est pas facile �
vivre, les derniers mois surtout. Le voir mourir comme �a, si horriblement,
sans qu�on ne puisse faire quoi que ce soit. Vous pouvez dire ce que vous
voulez, j�aimais Damien, tant pis si �a ne plaisait pas. �
Avec Benjamin, j�avais d�sormais la sensation que je
pouvais parler d�autre chose que de musique, de filles, de voitures, d�argent.
Il n��tait pas comme nous tous, il vivait pour lui, pas pour et par les autres,
sinon, il aurait �t� h�t�rosexuel, avec une femme, des enfants. Non, au lieu de
�a, il �tait gay, et curieusement, fier de l��tre.
� -Tu devrais rentrer, Momo.
-Je sais pas. La cit� m��touffe, je n�arrive pas �
m�en lib�rer.
-Mais tu n�as pas le choix. Ta m�re va s�inqui�ter.
T�es pas encore majeur, tu peux pas faire ce que tu veux.
-Ca sera pareil quand j�aurais dix-huit ans aussi.
-Sans doute.
-Je pourrais revenir te voir ?
-Si �a te fait plaisir. �
Il m�a raccompagn� jusqu�� la porte et je lui ai dit
au revoir, puis j�ai march� rapidement pour reprendre, inlassablement, le RER.
La vie de Benjamin avait �t� cruelle, j�avais soudain de la peine pour lui. Je
venais de le quitter et je voulais d�j� y retourner, parce qu�avec lui, je me
sentais en s�curit�, je n��tais plus accul�, oblig� de jouer, encore, toujours,
sans jamais une erreur. Gagner �tait plus qu�une option, c��tait une n�cessit�.
Le soir, j��tais plus apais�, j�ai racont� n�importe
quoi � ma m�re, elle n�allait pas v�rifier, elle ne connaissait pas Karine.
J��tais allong� sur mon lit, en train de lire un magazine, chantonnant, mon
baladeur sur les oreilles, quand Yasir est entr� dans ma chambre, en souriant.
Il a ferm� m�ticuleusement la porte et il s�est assis sur la chaise, devant mon
bureau.
� -Qu�est-ce qu�il y a ?
-Rien, rien. Tu as pass� une bonne journ�e ?
-Mais ouais. C�est quoi cette question ? Ca va
pas ?
-Si, si� Je t�ai vu avec Benjamin, c�est pour �a.
-Hein ? Quand ?
-Cet apr�s-midi. Je passais avec des amis, au moment
o� vous rentriez chez lui.
-Ouais, et alors ? C�est mon pote.
-Il est gay. �
Si je n�avais pas �t� allong�, je serais tomb�. J�ai
scrut� Yasir, droit dans les yeux et il a souri, avant de reprendre :
� -Je vais �tre honn�te, Momo. A la fac, certains
de mes amis sont homosexuels, �a ne me d�range pas, je m�en fiche, ils sont
juste comme �a.
-Et alors ?
-Et alors, si tu avais quelque chose � me dire, eh
bien, je serais pr�t � t��couter.
-Mais �a va pas, Yasir ?! Je n�ai rien � te�
dire�
-Du calme, Momo. Je te pr�viens juste. T�es mon fr�re,
je t�aime et tu le sais. J�ai assez de bon sens pour savoir que dans la vie,
rien n�est vraiment grave quand on est normal.
-Mais�
-T�es normal, Momo. Benjamin aussi, il l�est. Je
voudrais que tu r�fl�chisses � �a. �
Il m�a �bouriff� les cheveux, mais je l�ai retenu
quand il a essay� de partir.
� -Attends, Yasir� Je ne comprends pas. Tu crois
que� Mais j�ai eu des copines, tu le sais, alors�
-Si tu n�as rien fait, ne te justifie pas� D�s lors
que tu cherches � prouver quelque chose, c�est que tu as sans doute un truc �
te reprocher� Fa�on de parler. Penses-y, avant de d�cider.
-Mais, Yasir, je�
-Une derni�re chose, avec papa. Moi, j�ai su faire la
diff�rence entre le mythe d�un livre et la r�alit�, lui et beaucoup d�autres,
non. �
Je restais comme deux ronds de flanc, abasourdi par
les paroles de mon fr�re. Qu�est-ce qu�il lui prenait soudain, de m�annoncer
�a, comme si j��tais un de ces monstres ! Quand il m�a laiss� seul, j�ai
�teint ma lampe de chevet, j�ai referm� ma lecture, j�ai coup� mon baladeur.
J�ai ferm� les volets et je me suis couch�. Et puis j�ai pleur�
Vacances de f�vrier. Il pleuvait. Et comme un
rendez-vous � ne pas manquer, le vendredi soir, plus que les autres jours,
j��tais chez Benjamin. Je lui avais racont� l�aventure qu�il m��tait arriv�
avec mon fr�re et il a simplement ajout� qu�il aurait souhait� rencontrer plus
de gens comme Yasir. Plus le temps passait, plus j�avais envie d��tre avec lui,
pour discuter. J�avais pris de la distance avec les autres de la cit�, je ne
tra�nais plus, le plus souvent, je restais chez moi, pour travailler. J�avais
dans l�id�e qu�une fois mon bac en poche, je partirai, loin, aussi loin que je
le pouvais, je ne supportais plus l�ambiance des trottoirs malpropres, des
cages d�escaliers qui sentent la mis�re, qui refl�tent la haine. Avec Karine,
c��tait fini depuis longtemps, j��tais parvenu � un stade o� je ne pouvais plus
la supporter. La toucher, simplement des yeux, me rendait presque malade.
Je me rappelais de ce qu�il m�avait dit. Un jour,
tu d�cides d��tre toi-m�me� Je d�tournais la t�te, encore, mais plus
compl�tement, juste de trois-quarts et je distinguais quelques contours, un pan
de v�rit�. Ce n��tait pas plus laid qu�autre chose.
J�avais baratin� ma m�re, en th�orie, je d�nais chez
un ami qu�elle ne connaissait pas, j�allais rentrer tard. En attendant, j��tais
install� devant la t�l�, chez Benjamin, et je me grignotais le bout de pizza
qui fumait dans mon assiette. Il avait chang� de couleur de cheveux, de brun �
un blond assez clair, mais �a lui allait bien.
Il y a deux semaines, j�avais fait le con et j�avais
voulu savoir s�il avait le sida, lui aussi. Comment est-ce que j�ai pu demander
un truc pareil ? Mais il m�a r�pondu, avec le sourire, e secouant la t�te.
Il n��tait pas condamn�. Mais avoir vu mourir Damien l�avait bris�, il avait
compris que nos existences ne rimaient pas � grand-chose, et que le destin ne connaissait
pas de justice, il frappait toujours les m�mes.
J�ai soudain coup� la t�l�vision et je me suis laiss�
tomber en arri�re, dans la multitude de coussins, qui s��parpillaient sur le
sol, en dessous du canap�. Benjamin fumait une cigarette, la t�te call�e sur un
de ces petits oreillers color�s. La lumi�re feutr�e de l�allog�ne ne nous
agressait pas, tout ici �tait doux. Je me suis tourn� vers lui et il a �cras�
sa cigarette dans le cendrier pr�s de lui, puis il a souffl� une bouff�e grise.
Ses l�vres s�articulaient en un petit rond, il s�est �tir� comme un chat et a
crois� ses doigts derri�re son cr�ne.
� -Benjamin�
-Hum ?
-Ca fait quoi d�embrasser un gar�on ?
-Momo, pose pas ce genre de question. C�est pareil que
pour une fille, je pr�sume. Moi, je suis gay, alors pour moi, embrasser un mec,
c�est normal, c�est comme �a. Il n�y a que pour toi que �a serait diff�rent.
-Tu me montrerais ? �
Je me surprenais et me terrifiais de mon audace.
Benjamin a souri, comme d�habitude et a secou� la t�te en me r�pliquant que ce
n��tait pas la bonne chose � faire. Pourquoi ? Je me suis redress� sur les coudes et ma t�te a
heurt� son �paule quand j�ai roul� sur le c�t�. Je voulais �tre fix�,
d�finitivement. Il avait une l�g�re odeur de tabac, m�l�e � son parfum, il
avait les mains froides aussi. Je l�ai senti quand il les a pos�es sur les
miennes pour m�arr�ter. Ou bien pour m�inviter. Je me suis pench� vers lui, mes
cheveux vinrent lui chatouiller les joues et j�ai simplement d�pos� mes l�vres
sur les siennes comme pour un premier baiser, pour voir. Ca ne me suffisait
pas, et timidement, j�ai tent� d�avoir plus. Benjamin ne faisait pas un geste
et moi, justement, je d�sirais qu�il bouge, qu�il ne reste pas amorphe. Il m�a
c�d�.
On s�est embrass�, et il avait raison, c��tait
diff�rent des filles. Je ne ressentais pas la m�me chose, avec lui, cela
semblait tellement plus logique, plus �vident. Je devais faire comme tout le
monde, voil� pourquoi je m��tais retrouv�, collectionnant les petites amies. Je
les respectais, je les aimais bien mais il y avait une chose qu�elles n�avaient
pas et que je continuais de chercher, mais dont je ne connaissais pas le nom. A
pr�sent, je le savais, je l�avais bien compris.
Mais Benjamin, avec autorit�, a calm� ma ferveur et a
d�cr�t� que cela suffisait, qu�il ne fallait pas continuer la plaisanterie.
� -Arr�te, Momo, �a ne sert � rien ce que tu
fais�
-J�aimais bien pourtant.
-L�interdit plait toujours aux ados, c�est bien connu.
-Ce n�est pas interdit.
-Ah bon ? r�pliqua-t-il, avec un sourire. �
Il me r�servait tous les arguments que je lui aurais
balanc�s avant, et je saisissais l�ampleur m�me de ma b�tise. Aurais-je pu
continuer longtemps � ignorer toute la v�rit�, ma v�rit� ? D�un geste
lent, j�ai caress� la gorge de Benjamin. Je ne pensais pas que la tendresse
pouvait exister entre deux hommes, je croyais qu�il n�y avait que la violence,
la possession, la soumission.
Puis j�ai exig� encore qu�il m�embrasse, pour �tre
s�r. S�r d�aimer �a, s�r d�en avoir encore. Il a chuchot� mon pr�nom et il m�a
repouss�, pour s��tendre sur moi ensuite. Chaque fibre de mon corps se tendait
d�un fil incandescent, chaque nerf s�effilochait pour bient�t craquer
compl�tement. Il �tait l�ger, son poids restait agr�able sur moi. Il s�est
d�tach� de ma bouche mais on est rest� enlac�s, je fixais le plafond, je me
demandais quelle t�te ferait les autres s�ils nous voyaient comme �a, tous les
deux. Je subirai le m�me sort que ceux qu�ils prenaient pour cible.
� -Je peux rester dormir ici ? �
Je l�ai entendu rire et il m�a dit :
� -Bien s�r, Momo, mais je crois que tu veux
essayer trop de choses d�un seul coup.
-Ce n�est pas �a, ai-je soupir�. Je veux juste savoir
ce que �a me ferait de dormir pr�s de toi, puis il y a du brouillard,
dehors. �
Il a relev� les yeux, et il a vu comme moi, un �pais
brouillard, qui �tait tomb� en quelques minutes � peine.
� -Le temps est avec toi.
-Non, il veut que je sois avec toi, ce n�est pas
pareil.
-Appelle ta m�re, plut�t. �
J�ai ob�i, alors qu�il d�pliait le clic-clac, refaisait
le lit. La conversation fut rapide, je lui promettais de revenir avant le
d�jeuner, le lendemain et je raccrochais, jetant mon t�l�phone par terre, sur
mon pull que j�avais retir�. Il �tait parti dans la salle de bain et il est
revenu en cale�on et t-shirt. Je me suis d�shabill� sans tarder et je suis
rentr� sous la couette, comme lui. Il a mis du temps avant d��teindre la lampe
puis on s�est retrouv� dans la p�nombre, tous pr�s l�un de l�autre.
� -Benjamin�
-Oui ?
-Tu as raison, se dire enfin � je suis moi-m�me �,
�a fait du bien.
-Tu ne trouves
pas �a rapide, Momo ? Me dis pas que t�es tomb� amoureux en quatre mois
seulement.
-Et pourquoi je ne pourrai pas ?
-Je plaisante. Simplement, tu passes de l�h�t�rosexuel
que tu souhaitais �tre au gay que tu d�testais.
-Je sais. Mais toi-m�me, tu m�as dit que tu avais eu
du mal�
-C�est vrai. Je n��tais pas aussi calme que toi
d�ailleurs. J�avais envie de me tuer, de tuer tous les mecs qui m�approchaient
pour me draguer�
-J�ai jamais pens� � �a. Je ne serai pas capable de me
tuer, quoi qu�il arrive. Et puis, personne ne m�a encore jamais dragu�. Enfin,
un gar�on.
-Je ne compte pas, moi ?
-Tu me draguais ? �
Il a ri encore et m�a souffl� qu�il l�avait juste fait
gentiment, mais qu�il n�esp�rait rien.
� -Tu as d�j� pens� que j��tais homosexuel ?
-Honn�tement non, commen�ais-je. Je me disais que je
n�avais pas d�amis comme �a.
-Et toi, tu avais d�j� imagin� l��tre ?
-Bah� Je ne me sentais pas tr�s attir� par les filles,
mais je pensais que� Je sais pas� Que c��tait normal � mon �ge.
-Je vois. �
On s�est tu, il s�est endormi � c�t� de moi. Est-ce
que j��tais amoureux de lui ? Je n�en avais aucune id�e, je n�avais jamais
aim� quelqu�un alors comment aurais-je affirm� avec certitude que la chaleur
qui m�habitait quand j��tais avec lui, que la douceur de ces mots, le voir me rendait
heureux, que tout �a, c��tait de l�amour. J�avais envie d�y croire, parce que
�a faisait sacr�ment de bien.
Au matin, je m��tais accroch� � lui, � moiti� affal�
sur sa poitrine. J�ai pliss� les yeux, son r�veil indiquait dix heures
quarante-cinq.
� -Tu es r�veill� ?
-Oui� Depuis combien de temps, toi ?
-Vingt minutes. Tu veux d�jeuner ?
-Euh, oui, si toi tu le fais aussi. �
Je me suis �cart� et il s�est mis debout, j�ai essay�
de glaner un baiser mais j�ai �chou�, il �tait d�j� parti. Il est revenu
quelques instants plus tard avec deux bols pos�s sur un plateau, qu�il a pos�
sur les draps d�faits.
� -Tu as bien dormi ?
-Oui. C�est vachement calme, c�est bien.
-Si tu veux prendre une douche, vas-y, n�h�site pas.
Tu vas devoir rentrer bient�t.
-Oui� Les vacances, c�est fini pour moi.
-Courage, c�est bient�t le bac, apr�s �a ira beaucoup
mieux.
-Pour toi aussi, c�est la derni�re ligne droite.
-C�est quand ton anniversaire ?
-Le vingt-deux juin.
-Oh, tu auras fini, c�est parfait alors. �
J�ai d�jeun� puis je me suis d�p�ch� de me laver. Mais
avant de partir, j�ai r�ussi � voler un autre baiser, j��tais vraiment certain
cette fois-ci.
Les vacances d�avril avaient surgi si soudainement que
je ne les avais pas vu arriv�es. En semaine, pendant mes cours, je passais voir
Benjamin d�s qu j�avais un peu de temps. Je me nourrissais de sa pr�sence, pour
la premi�re fois de ma vie, j�oubliais mes soucis, l�endroit o� je vivais, la
mis�re, les souffrances.
Le soleil �tait revenu peu � peu, et avec lui, un
fifrelin de chaleur.
Ce soir, encore, j��tais dans ses bras, je sentais ses
l�vres sur les miennes mais � pr�sent, plus les secondes pass�es avec lui
filaient, plus j�avais besoin d�autre chose, plus je le d�sirais. Je
m�imaginais bien comment �a fonctionnait mais je m�en foutais royalement, ma
chair br�lait de l�int�rieur. Quand il me touchait comme �a, j�avais le
sentiment d��tre simplement en feu et discr�tement j�ai gliss� mes mains sous
son t-shirt.
� -Mohamed, qu�est-ce que tu fais ?
-Rien, je� �
J�ai rougi mais il m�a murmur� que j��tais tellement
attendrissant.
� -Tu crois que tu veux aller jusque l� ? Ce
n�est pas toujours par amour qu�on le fait. Pour le plaisir aussi.
-C�est pour les deux, avec toi. Plus de six mois,
c�est assez pour tomber amoureux ?
-Une seconde suffit� Je disais �a pour te taquiner.
-Ca t�a suffit � toi ?
-Pour tomber amoureux de toi ? C�est bien plus
qu�il ne m�en a fallu. Ah, mais qu�est-ce que tu me fais dire ? �
Il a �clat� de rire, encore. Le voir comme �a me
plaisait, il �tait heureux. Je voulais qu�il oublie Damien et sa mort horrible,
je voulais qu�il l�oublie parce que j��tais l�, moi, maintenant. Ses doigts
froids ont coul� le long de mes bras, que j�ai lev�s pour qu�il m�en lib�re.
Lui aussi, les jambes repli�es de chaque c�t� de mes hanches, il a balanc� son
t-shirt puis loin. Je l�avais d�j� vu comme �a, mais j�avais bien de la peine �
m�en lasser. Il avait la peau si p�le, par rapport � la mienne, le contraste
�tait joli.
Il s�est pench� vers moi pour m�embrasser, il jouait
avec mes cheveux, comme je tirais sur les siens. J�en avais envie depuis
longtemps, je comprenais mon d�sir, tout. Nous avons fait l�amour, il �tait
beau, tiraill� dans la gr�ce de tout notre plaisir. Honn�tement, j�ai eu peur
de lui faire mal mais il m�a calm�, il m�a assur� que �a ne durerait qu�un
temps. Au-dessus de moi, le corps tendu, sa respiration hach�e, Benjamin �tait
tout ce que j�aimais. Tous mes souvenirs se trouvaient balay�s, tout n��tait
que de la poussi�re.
Je ne faisais plus rien de mal, je faisais juste ma
vie, j�aimais les hommes. Il venait de France, il �tait blanc, il ne croyait
pas en dieu. Mes racines �taient en Alg�rie, j��tais arabe et musulman. On
r�unissait tous les vices, d�apr�s eux, mais je me moquais de leur p�cher�
�
Je l�avais eu, j�avais eu mon bac. La semaine d�avant,
on avait f�t� mon anniversaire, un peu en retard, avec Benjamin, on avait pass�
une nuit comme toutes celles d�avant, juste parfaite. Je l�avais appel� d�s que
j�avais su le r�sultat. Lui, il avait obtenu sa licence, enfin. Il y a deux
semaines, j�avais vu ses parents pour la premi�re fois. Ca m�a fait bizarre,
mais ils se sont montr�s si gentils avec moi. Pour ma part, je savais bien que
je ne pourrais jamais pr�senter Benjamin � mes parents. C��tait dur�
J�avais tant chang� que je ne me reconnaissais plus
non plus, mais je me plaisais r�ellement. J�avais d�couvert mon �quilibre dans
un concept bizarre, aupr�s de quelqu�un qui n�aurait pas d� �tre ce qu�il est
pour moi.
Cette fois-ci, j�allais avoir tout le temps dont
j�avais besoin. Un �t� plein de promesses avec Benjamin, et j�avais m�me pens�
que je pourrais retourner avec lui dans le Sud, pour que la vie reprenne ses
droits sur la n�gation et le n�ant. Pourtant, ce soir-l�, je l�avais trouv�
distant, dans ses paroles, dans ses gestes. Il ne me repoussait pas mais il
�tait diff�rent de d�habitude.
Le lendemain, un premier juillet, je suis revenu le
voir. Je n��tais pas rest� dormir, et je le regrettais. Quand je suis mont�,
lentement, et que j�ai frapp� la porte,
il n�y eut rien, si ce n�est la qui�tude. J�ai frapp� une nouvelle fois, plus
fort mais je n�avais que la vacuit� d�un appartement sans doute d�sert�.
J�allais l�attendre quand son voisin de palier est mont� et je me suis lev�
pour lui demander s�il savait quand Benjamin allait revenir. Il a sembl�
surpris, il s�est gratt� la nuque puis il m�a r�pondu :
� -Eh bien� Il ne vous a rien dit ? Il est
parti aujourd�hui, avec toutes ses affaires. L�appartement est libre � pr�sent.
-Il est parti quand ?
-Ce matin, aux aurores�
-Il ne vous a pas dit o� ?
-Non, je suis d�sol�. �
Et moi, alors ? J�ai d�val� les escaliers, les
larmes aux yeux, et machinalement, je l�ai cherch�, j�ai tourn� la t�te �
droite puis � gauche, mais seule la rue, ses voitures, ses passants
s�imposaient � moi. Je ne comprenais plus, il avait fui sans me pr�venir, il
m�avait jet� comme on abandonnait un chien au bord d�une route. J�avais grandi,
�tait-ce �a la raison ? Il m�avait aid� � devenir fier de moi, et il
s�enfuyait, comme un voleur.
Les gens me regardaient, me d�visageant, pour
s�assurer que oui, je pleurais bien. J�ai travers� la rue en courant et je me
suis pr�cipit� dans la cage d�escaliers, j�ai grimp� jusque chez moi et je suis
all� m�enfermer � double tour dans ma chambre. Et comme une tradition, j�y ai
pleur�, j�y ai hurl� en silence toutes mes craintes, toutes mes douleurs, tout
ce qui s��tranglait en moi. Je ne m�enlevais pas cette id�e de la t�te, il m�avait
laiss�, sans penser � la peine qu�il me ferait. Ca faisait vraiment mal, si
j�avais su, je ne l�aurais pas aim�, j�aurais encore menti, je serais Momo,
j�aurais dix-huit ans, j�aimerais les filles, m�me pour de faux, mais je ne
souffrirais pas tant.
Le soir, Yasir est venu me trouver, il a fait comme
s�il cherchait un jeu vid�o, puis il a amen�, discr�tement :
� -Tu n�as pas l�air d�aller�
-Si, si, �a va. Je suis content d�avoir eu mon bac,
c�est tout.
-Et c�est pour �a que tu pleures�
-Je ne pleure pas.
-Menteur�
-Laisse-moi, Yasir.
-Pas dans cet �tat� Il s�est pass� un truc avec des
amis ? Avec� Benjamin ?
-Mais non ! �
Mais comme s�il suffisait de prononcer son nom, j�ai
fondu en larmes. Mon fr�re a souri, gentiment et il a ferm� la porte, comme �
chaque fois qu�il souhaitait me parler. Confus�ment, j�ai souffl� qu�il �tait parti, sans un mot, sans une pens�e pour moi, je ne
savais m�me pas o� il �tait � pr�sent. Il m��coutait et sa voix s�est
lev�e :
� -Tu es jeune, Momo, ton ami aussi. Vous avez
fait des promesses, mais vous avez oubli� le reste, tout ce qu�il y a autour de
vous. Essaie d�appeler ses parents.
-Ils me disent qu�ils ne savent rien non plus. Il lui
est peut-�tre arriv� quelque chose, et� �
Et je ne finissais m�me plus mes phrases, Yasir ne
trouvait plus rien � me dire pour me r�conforter. Dire qu�il se mariait dans
une semaine et que le t�moin de son mariage n��tait qu�une fiotte en larmes,
dans ses bras. Mon �t� devenait bien sombre�
Je m��tais inscrit � la fac depuis le mois de juin, et
dans cinq semaines, j�allais d�couvrir un nouvel univers. Yasir s��tait mari�,
il vivait avec sa femme dans un appartement, loin de la cit�. Il s�en �tait
sauv�. Je n�avais plus eu de nouvelles de Benjamin mais je n�avais pas repris
ma vie � d�avant lui �. Je me levais un matin, enfin, � midi et ma
m�re m�a litt�ralement saut� dessus en brandissant une enveloppe que je lui
arrachais des mains. Je poussais Fatima et je m�enfermais dans la salle de
bain. Les mains vacillantes, j�ai d�cachet� mon courrier. Il y avait une longue
lettre de deux pages. C��tait lui. Mon c�ur a manqu� d�imploser en moi et j�ai
lu, patiemment. Il s�inqui�tait de savoir comment j�allais. Il devait bien se
l�imaginer. Puis il m�expliquait, il voulait que je comprenne pourquoi il �tait
parti. Je ne devais pas penser qu�il m�avait abandonn�, mais il avait besoin de
r�fl�chir, Damien �tait mort depuis un an maintenant. Moi, j��tais en vie,
pourtant.
Quand j�eus finis, j�ai froiss� la lettre tant j�avais
les poings serr�s, pour me retenir de ne pas pleurer. Je regardais encore la
provenance, c��tait loin, mais� J�ai bondi dans ma chambre pour m�emparer de
mon t�l�phone portable et j�ai appel� Yasir, mon seul soutien. Je lui ai
expliqu� � la h�te ce qu�il venait de se passer et calmement, il a
r�torqu� :
� -Veux-tu le voir ?
-Mais bien s�r que je veux, mais�
-Non, Mohamed. C�est oui ou c�est non. Sans
� mais �.
-Oui, je veux le voir.
-Tu sais ce qu�il te reste � faire, alors.
-C�est loin.
-J�avais compris.
-Et papa, maman, Fatima, toi�
-Et lui ? Tu ne fais pas ta vie avec nous, Mo.
Prends une d�cision et fais en sorte que ce soit la bonne. �
J�ai encore un peu parl� puis j�ai raccroch�. Je me
suis assis devant mon bureau puis j�ai saisi une feuille de papier blanche et
un crayon que j�ai m�chonn� une seconde, avant de me lancer. J�avais besoin
d�expliquer mais je ne m�excusais pas, j�avouais mon crime qui n�en �tait pas
un, au moins, �a leur donnera une bonne raison de ne pas me regretter.
J�ai eu de la chance, il restait une derni�re place,
et moi, j�avais encore de l�argent. J�ai vid� mon compte en banque puis quand
je suis revenu, mes parents �taient partis faire des courses. C�est triste �
dire mais j�en �tais content. J�ai fait mes affaires moi aussi, la gorge
serr�e, mes �tag�res se vidaient, la pi�ce perdait de la vie. Je n�ai pas
d�croch� les posters, je n�ai pas emport� les cd, �cartant certaines choses de
mon ancienne existence. Je me suis envol� avec un sac de sport bourr� � craquer
et mon sac � dos.
J�ai t�l�phon� � une soci�t� de taxi, et vingt minutes
plus tard, j��tais dans une voiture, me tournant pour voir dispara�tre ma cit�,
cette deuxi�me m�re qui m�avait vu grandir, qui m�avait fait pousser des ailes,
quoi qu�on en pense.
Deux heures. J�ai attendu deux heures avant de pouvoir
sortir. Mais bon, avec ma t�te, ma nationalit�, �a ne m��tonnait qu�� moiti�.
Je me suis faufil� � travers ce hall immense, plein de gens et j�ai fait la
queue pour retrouver un taxi. Ca bougeait de partout, un brouhaha incessant
emplissait chaque recoin. Il faisait un soleil magnifique, et enfin, ce fut mon
tour, je grimpais dans le v�hicule, apr�s avoir mis mes sacs dans le coffre.
Dans un anglais digne d�un �l�ve de primaire,
j�essayais de lui faire comprendre o� je voulais aller, je lui montrais la feuille
o� j�avais inscrit l�adresse et il a hoch� la t�te. Il a d�marr� et
l�excitation montait peu � peu que je m�enfon�ais dans la ville. Je jetais des
regards �merveill�s, tout �tait si grand, si immense, si color�. Puis on s�est
arr�t� et la joie a fait place � la crainte. Je payais le chauffeur de taxi et
je regardais de haut en bas l�immeuble, propre, accort, puis je montais
doucement, pour pousser la porte d�entr�e. Je n�ai pas pris l�ascenseur, j�ai
trimball� mon fardeau, je tentais de m�alourdir pour reculer l�instant. Puis,
je fus l�, en face de la porte noire, sans judas. Je fondais sur place, au fur
et � mesure que j�attendais, les battements de mon c�ur frappaient les secondes
qui s�allongeaient pour devenir des heures et enfin, on a ouvert. Il a ouvert.
Il n�a pas eu le temps de parler, je me jetais contre lui
dans, et il a chuchot� mon pr�nom.
� -Pourquoi tu es venu ?
-A ton avis. La prochaine fois que tu pars comme �a,
je te jure que �a ira mal. M�me tes parents ne savaient pas o� tu �tais.
-Si, ils savaient. Je leur avais demand�s de ne pas te
le dire.
-Pourquoi ?
-Pour te rendre ta libert�, peut-�tre. �
On �tait rentr�, la porte s��tait referm�e.
� -Combien de temps tu restes, Momo ?
-Je n�ai pris qu�un aller� A mon avis, mes parents ne
voudront plus me voir et si je rentre en France, je vais me faire descendre. Je
leur ai laiss�s un mot o� je leur avouais tout. Je suis juste ma�tre de mon
destin. Tu veux que je parte ?
-Non, et en r�alit�, j�esp�rais que tu allais venir.
J�avais �crit mon adresse expr�s derri�re la lettre, avec ce projet fou. Mais
tu l�es autant que moi, puisque tu es l�.
-Je n�allais pas te permettre de t��chapper. Tu vas
rester ici, toi ?
-Moi, je suis � moiti� am�ricain par ma m�re.
-C�est pas vrai ?!
-Si, si� C�est � elle, ici. C�est � moi, aussi. A toi,
si tu veux. �
J��tais Momo, j�avais dix-huit ans, j�avais travers� l�oc�an,
j��tais tomb� en Am�rique. J�avais dit adieu � ma famille, mais j�avais
retrouv� Benjamin.
Je l�ai serr� contre moi, il s�est r�fugi� timidement.
Et l�ombre au loin de ses ann�es d�angoisse se dissipait, nos mensonges s��vanouissaient.
Je ne regrettais pas.
��
FIN
Note : Et voil�� Je peux
aller me suicider maintenant. Qui me prendre en piti�, il y a encore des gens
au moins :p J�ai �crit ce truc en deux jours. J�aimerais bien continuer
peut-�tre un jour l�histoire de Momo et Ben, mais bon� Time will tell. Pour l�instant,
la suite n�est franchement pas n�cessaire !
Ja ne !
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